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Revue de littérature - Septembre 2018

Revue de littérature SFCO septembre 2018- Pr. Laurent Devoize


Va t’on vers un traitement médical de l’améloblastome ?

Immunohistochemical analysis of BRAF V600E mutation in ameloblastomas. do Canto AM, da Silva Marcelino BMR, Schussel JL, Wastner BF, Sassi LM, Corrêa L, de Freitas RR, Hasséus B, Kjeller G, Junior CAL, Braz-Silva PH. Clin Oral Investig. 2018

Résumé :

L’améloblastome est l’une des tumeurs odontogènes les plus courantes, pouvant affecter à la fois le maxillaire et la mandibule et ayant une propension à l’invasion et à la récurrence locale.

Un traitement chirurgical par résection étendue est toujours considéré comme la procédure de référence, mais présente des inconvénients tels qu’une morbidité élevée, des séquelles esthétiques et une rechute potentielle. En raison de ces facteurs, des études sur les marqueurs moléculaires associés aux améloblastomes ont été réalisées afin de développer des thérapies systémiques plus conservatrices.

Parmi les différents marqueurs immunohistochimiques étudiés en association avec les améloblastomes, il a été démontré que les molécules impliquées dans les voies de signalisation MAPK sont les principaux activateurs de la prolifération cellulaire dans ces tumeurs. Depuis 2014, des études ont mis en évidence une fréquence élevée de la protéine BRAF mutée en association avec des améloblastomes mandibulaires. Cette protéine fait partie de la voie MAPK et sa mutation est appelée BRAF V600E.

Les résultats de cette étude reposent sur 84 cas d’améloblastomes mandibulaires. Parmi ceux-ci, il y avait une légère prédominance d’hommes (52,38%), avec un âge médian de 25,5 ans. La région postérieure de la mandibule était la plus touchée (91,67%) et la majorité des patients avaient des tailles de tumeurs allant jusqu’à 4 cm dans la direction antéro-postérieure (55,41%). En ce qui concerne la présence ou l’absence de marqueur BRAF V600E, 66 cas étaient positifs pour le marqueur étudié (78,57%) et 18 étaient négatifs (21,43%). Les résultats montrent que la mutation BRAF était statistiquement significative pour les tumeurs de taille supérieure à 4 cm (P <0,008) et postérieure (P = 0,0353). Une régression logistique simple a démontré que les cas de BRAF positifs étaient six fois plus susceptibles d’affecter la région postérieure que la région antérieure de la mandibule (OR = 6,00, IC 95% = 1,21-29,87, P = 0,0287). En ce qui concerne la taille de la tumeur, il a été trouvé que les cas BRAF-positifs étaient 8,2 fois plus susceptibles d’être détectés dans les tumeurs> 4 cm (OR = 8,29, IC 95% = 1,73-39,78, P = 0,0082). Les autres variables cliniques n’étaient pas statistiquement pertinentes. L’analyse multivariée a montré une association statistiquement significative pour la taille des tumeurs (OR = 7.29, IC 95% = 1.47-36.14, P = 0.0150) et la localisation (OR = 7.23, IC95% = 1.04-50.13, P = 0.0451). Les cas de BRAF positifs étaient 7,29 et 7,23 fois plus susceptibles de survenir dans les tumeurs> 4 cm et dans la région postérieure de la mandibule, respectivement. De plus, il y a une probabilité de 94,80% de cas BRAF-positifs impliquant des tumeurs situées dans la région postérieure et> 4 cm.

Commentaires :

Les données de cette étude suggèrent que la positivité au BRAF V600E peut être une signature des améloblastomes mandibulaires postérieurs. D’autres études vont dans ce sens et suggèrent que les améloblastomes maxillaires et mandibulaires peuvent avoir des étiopathogénies différentes : la voie « Hedgehog » est ainsi impliquée dans des mutations de la protéine Smoothened (SMO) touchant exclusivement les améloblastomes maxillaires.

L’implication de BRAF V600E est déjà connu pour les mélanomes à un stade avancé ou métastatique. Le traitement par un inhibiteur de BRAF, le vémurafénib, augmente la survie chez les patients ayant une mutation V600E. Il est donc probable que ces indications vont s’étendre à court terme à des stades plus précoces de mélanomes mais aussi à d’autres cancers ou de tumeurs histologiquement bénignes mais à fort potentiel de récidive comme l’améloblastome. Ces observations peuvent ouvrir la voie au développement de thérapies ciblées, probablement en complément du traitement chirurgical, afin d’être plus conservateur et de maitriser médicalement la récidive.


Pas si bête que ça !

Autogenous transalveolar transplantation of maxillary canines: a systematic review and meta-analysis. Grisar K, Chaabouni D, Romero LPG, Vandendriessche T, Politis C, Jacobs R. Eur J Orthod. 2018.

Résumé :

Un temps délaissée au profit quasi exclusif de l’implantologie, l’autotransplantation dentaire fait de nouveau parler d’elle. Les options de traitement en présence de canines maxillaires incluses sont: 1. l’ablation de la canine de lait 2. Le dégagement chirurgical avec ou sans traction orthodontique 3. L’abstention thérapeutique 4. l’autotransplantation de la canine permanente ou 5. L’avulsion de la canine permanente avec réhabilitation prothétique implantaire ou non. Lorsque l’exposition chirurgicale et le réalignement orthodontique sont difficiles ou impossibles en raison d’une position de la canine défavorable, l’autotransplantation est une alternative à l’extraction ou à d’autres options de traitement. Un positionnement très apical ou une angulation supérieure à 45 degrés par rapport au plan d’occlusion sont des critères de sélection de l’autotransplantation.

L’objectif de cet article est de réaliser une revue systématique de la littérature concernant la transplantation transalvéolaire des canines maxillaires et les résultats à long terme sur une période moyenne de suivi de 2 ans ou plus.

Leurs résultats montrent que l’expérimentation clinique est suffisante pour justifier la transplantation transalvéolaire de canines maxillaires comme alternative thérapeutique légitime tant que l’indication est correcte. Des études à long terme ont montré que l’on peut s’attendre à un bon taux de réussite global et de survie. Cependant, des complications à long terme comme la résorption radiculaire progressive et l’ankylose avec résorption de remplacement peuvent survenir. Il existe donc un besoin de critères de sélection plus clairs spécifiant les exigences de sélection de la transplantation transalvéolaire des canines maxillaires, afin de réduire l’apparition des complications susmentionnées.

Commentaires :

Cette méta-analyse montre de manière claire que l’autotransplantation est une technique fiable et pérenne. Une meilleure survie et un meilleur taux de succès ont été rapportés avec des dents à apex ouvert versus apex fermé. Chung et al. (2014), dans leur revue systématique des dents transplantées avec un apex fermé, ont trouvé des taux de survie élevés de 98% au point de suivi à 1 an et de 90,5% au point de suivi de 5 ans. Acevedo et al. (2017), dans leur revue systématique des dents à apex ouvert, ont trouvé un taux de survie de 98% après une période moyenne de suivi de 6 ans. La principale interrogation repose sur le traitement endodontique systématique ou non des canines transplantées à apex fermé. La plupart des auteurs considèrent que le traitement endodontique des canines autotransplantées à apex fermé est obligatoire. Cependant, certains auteurs suggèrent aussi une stratégie attentiste; dans une série de cas de suivi à long terme publiée récemment, Murtadha et al. (2017) ont conclu qu’il faudrait peut-être reconsidérer le protocole consistant à réaliser systématiquement un traitement endodontique pour les dents transplantées à apex fermé, car certaines pourraient avoir un potentiel de revascularisation.