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Revue de littérature - Septembre 2017

Dr. S. Boisramé

Les connaissances de plus en plus pointues en biologie avec ces 2 innovations technologiques que sont la biologie moléculaire et la bio-informatique ont permis de redécouvrir le corps humain. En réalité, nous ne sommes que des hôtes d’un incroyable écosystème vivant comprenant une population estimée à environ 100.000 milliards de micro-organismes différenciés (bactéries, champignons, virus) appelé microbiote.

Qualifié par certains de « 6ème organe », le microbiote est un écosystème à l’équilibre fragile qui peut connaître de grandes perturbations : alimentation, maladies, déficits immunitaires, prises de médicaments (antibiotiques,…). Cette perte d’équilibre est appelée « dysbiose » et correspond aux déséquilibres ou dégradations majeures du microbiote.

Les dernières études montrent que la microbiothérapie est en marche avec l’avènement et l’efficacité des transplantations fécales dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

Aussi cette revue de littérature porte sur l’impact du microbiote oral en cancérologie tête et cou (Article 1) et les modifications du microbiote oral après un traitement d’orthodontie (Article 2).


Role of oral microbiome on oral cancers, a review.

Gholizadeh P, Eslami H, Yousefi M, Asgharzadeh M, Asghazadeh M, Samadi Kafil H. Biomedicine & Pharmacotherapy 84 (2016) 552-558.

Résumé :

Cet article, réalisé par une équipe iranienne en 2016 et publié dans une revue impactée est une revue de la littérature portant sur les liens existants entre microbiote oral et carcinome épidermoïde de la cavité orale accompagnée de schémas pédagogiques proposant des modèles expliquant les liens entre parodontite chronique et cancer tête et du cou ou/et entre inflammation chronique et modifications cellulaires.

La cavité orale comprend un écosystème complexe en équilibre comprenant une communauté microbienne de plus de 700 espèces bactériennes commensales et opportunistes, champignons et virus vivant en symbiose avec le système immunitaire de l’hôte. Une compétition inter-bactérienne est retrouvée. Certaines d’entre elles ont un rôle clé dans le développement des maladies bucco-dentaires. Les relations entre microbiome oral (correspondant au microbiote et à son environnement) et les conditions systémiques telles que le cancer de la tête et du cou sont des sujets d’actualité. Des preuves émergentes suggèrent également un lien entre la maladie parodontale et cancer oral. En effet, une dérégulation du système immunitaire (diabète, obésité, stress, âge,…) et/ou une dysbiose de ce microbiote oral (parodontite) peuvent générer inflammation chronique et cancer.

Tezal et al. avaient déjà rapporté en 2009 que la parodontite chronique était un facteur de risque élevé pour les lésions précancéreuses et le cancer de la cavité orale. Magger et al. ont suggéré que des concentrations salivaires élevées de Prevotella melaninogenica, Streptococcus mitis et Porphyromonas gingivalis pouvaient constituer des biomarqueurs dans la cancérisation. De plus, l’implication de Porphyromonas gingivalis et Fusobacterium nucleatum comme des bactéries pro-inflammatoires est clairement détaillée. La détection de ces bactéries en grande quantité est un facteur de mauvais pronostic. Il existe moins de preuves sur les liens entre les Candida et la cancérisation. Quant aux virus, les auteurs mettent en avant le papillomavirus (HPV) et rapportent qu’une inflammation chronique en lien avec une parodontite chronique non traitée peut faire le lit du HPV.

L’absence de microbiologiste dans cet article est mise en avant par quelques erreurs qui se retrouvent dans la lecture. De plus, les auteurs ne donnent pas de solution pour quantifier de façon reproductible les bactéries potentiellement impliquées dans la cancérisation. Il n’en reste pas moins que cet article fait un point sur la littérature et sur les liens entre le microbiote oral et le développement de carcinome épidermoïde au niveau de la cavité orale. Les études sont encore limitées et nous pouvons espérer lire prochainement des études complémentaires renforçant ce concept de 6ème organe et d’équilibre fragile entre notre système immunitaire et le microbiote que nous hébergeons.

Après l’antibiothérapie, la chimiothérapie, l’immunothérapie, la microbiothérapie est en pleine démocratisation ; preuve en est : la première journée scientifique du Groupe Français de Transplantation Fécale a eu lieu en juin 2017 à l’hôpital Cochin- Paris.


Profiling of subgingival plaque biofilm microbiota in adolescents after completion of orthodontic therapy.

Pan S, Liu Y, Zhang L, Li S, Zhang Y, Liu J, Wang C, Xiao S. PLoS ONE 2017 ; 12(2): e0171550. doi:10.1371/journal.pone.0171550.

Résumé :

Cet article réalisé par une équipe chinoise est un article original sur l’analyse des modifications microbiologiques observées chez des patients ayant eu un traitement orthodontique.

Le traitement orthodontique fixe est utilisé pour traiter les malocclusions, mais peut présenter le risque potentiel de complications parodontales. Une étude prospective en 2014 a montré que les dispositifs orthodontiques fixes avaient un impact négatif sur les indices parodontaux. De plus, les changements au niveau du parodonte étaient partiellement réversibles après dépose de la thérapeutique orthodontique. Parallèllement, il a été rapporté dans la littérature que le biofilm infragingival et plus particulièrement les bactéries anaérobies étaient responsables de l’initiation et de la progression de la maladie parodontale. Les changements microbiologiques ont été peu décrits chez les adolescents après un traitement orthodontique.

L’objectif de cette étude a été d’analyser les modifications du parodonte en se basant sur des indices parodontaux (profondeur de poche (PD), indice gingival (GI), indice de saignement (SBI)) et sur la quantification par PCR en temps réel de 4 bactéries parodontopathogènes et de la charge bactérienne totale retrouvée au niveau des prélèvements (Aggregatibacter actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Tannerella forsythia).

Le matériel et méthodes est clairement explicité avec un groupe cas : 20 adolescents (8 hommes, 12 femmes, âge moyen : 14,4 ans) ayant un traitement orthodontique et un groupe témoin 19 adolescents (9 hommes, 10 femmes, âge moyen : 14,24 ans). Les auteurs ont analysé l’état parodontal et effectué des prélèvements par cônes papier insérés 30 secondes dans le sulcus des incisives mandibulaires des deux groupes à trois temps différents : T0 : juste avant la dépose du dispositif orthodontique fixe, T1 : 1 mois après la dépose et T2 : 3 mois après la dépose.

Les résultats ont permis de montrer que les paramètres cliniques pris en compte (GI, PD, SBI)

à T0 étaient significativement plus élevés dans le groupe cas. À 3 mois (T2), aucune différence n’a été observée pour l’indice gingival et l’indice de saignement gingival entre les 2 groupes. Même si la prévalence et la quantification des bactéries parodontopathogènes diminue, la profondeur de poche ainsi que les concentrations de Prevotella intermedia étaient encore significativement plus élevées par rapport à celles du groupe témoin (P <0,05 ou P <0,01).

Les auteurs ont souhaité appâter les lecteurs en parlant de microbiote dans le titre de leur article alors que leur étude se limite à l’analyse de 4 espèces bactériennes parodontopathogènes. « On ne trouve que ce que l’on cherche. On ne cherche que ce que l’on connaît ». Or, on pouvait s’attendre à une analyse métataxonomique du microbiote avec les méthodes de séquençage de nouvelle génération.

En conclusion, cette étude certes bien menée montre bien que des modifications cliniques et bactériennes (limitées à l’analyse de 4 espèces bactériennes) sont retrouvées après un changement environnemental (pose d’un dispositif orthodontique fixe) et que ces modifications tant cliniques que bactériologiques sont partiellement réversibles.