Revue de la littérature Octobre 2017. Dr. C. Mauprivez
Marsupilisation/décompression des tumeurs odontogènes kératokystiques
Awni S, Conn B. Decompression of keratocystic odontogenic tumors leading to increased fibrosis, but without any change in epithelial proliferation. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol 2017; 123 :634-44.
Résumé :
L’objectif de cette étude clinique rétrospective ( 2007 à 2014) était d’étudier si le traitement des tumeurs bénignes odontogènes kératokystiques (TOK) par marsupialisation, actuellement appelée « décompression », induisait des changements histologiques ou une modification phénotypique de la lésion initiale. Dix-sept patients atteints d’une TOK ayant bénéficié d’une décompression suivie ou non d’une énucléation secondaire ont été inclus. L’âge moyen était de 32 ans, avec des extrêmes allant de 9 ans à 68 ans. Parmi ces 17 patients, 3 étaient porteurs d’une naevomatose basocellulaire, également appelé syndrome de Gorlin. Les évaluations histologiques et immuno-histologiques des biopsies réalisées avant et après la décompression ont montré une augmentation significative de la fibrose, ainsi qu’une réduction de l’activité mitotique. Il n’y avait pas de changement de l’expression des marqueurs de prolifération Ki-67 et Bcl-2. Une augmentation du nombre de kystes satellites en périphérie de lésion, également appelés kyste « filles », et des restes épithéliaux ont été observés après décompression. Quatre récurrences (25%) ont été signalées. Une augmentation de l’expression du gène suppresseur de tumeur « p53 » était corrélée avec la durée du traitement (durée entre la 1ère intervention : la décompression et la seconde : l’énucléation) et à l’intensité des modifications inflammatoires post-opératoires.
Commentaire :
Différentes options thérapeutiques s’offrent au praticien face à une TOK ; l’énucléation simple, la résection large et la décompression suivie d’une énucléation. La décompression- énucléation consiste en l’introduction d’un tube de drainage en polyéthylène dans la cavité kystique, après biopsie de la paroi du kyste. L’énucléation secondaire est faite quand la réduction volumétrique du kyste est suffisante. Les avantages de cette technique sont la réduction de la taille de la lésion ce qui permet : 1-de s’éloigner de structure anatomique noble comme le canal mandibulaire, 2-de réduire le risque de fracture mandibulaire et 3- de diminuer le risque de nécrose pulpaire des dents bordantes de la lésion. La décompression nécessite une bonne compliance du patient (lavage régulier de la cavité kystique, suivi clinique et radiologique) et entraine un net allongement de la durée du traitement (6 mois à 2 ans). Malgré les avantages de cette technique chirurgicale « mini-invasive », de nombreux auteurs déconseillent cette technique car elle ne peut rendre compte du type histologique de la lésion avec certitude puisque l’ensemble de la lésion ne peut être examiné en totalité lors de la première intervention. De plus, des études ont montré qu’il existait une modification phénotypique, entre les prélèvements tissulaires effectués lors des deux interventions (décompression et énucléation secondaire). Si les résultats des études antérieures suggéraient une « dédifférenciation » avec perte des caractéristiques initiales de la lésion tant d’un point de vue histologique que moléculaire (diminution IL1, la cytokératine 10, Bcl2, Ki-67 …), les auteurs de cette étude ont, à l’inverse, observé une augmentation du nombre de kyste filles et une augmentation de la p53 expliquant la possibilité d’un taux de récidive plus élevée en cas d’une longue durée de décompression et de la présence d’une inflammation locale persistante. Cependant, dans cette étude, le taux de récidive observé après décompression de TOK et la proportion de TOK de type parakératosique (97,4%) sont plus élevés aux données antérieures de la littérature, ce qui pourraient expliquer en partie ces résultats contradictoires. Malgré les limites de cette étude, la décompression- énucléation est une option thérapeutique simple et peu délabrante, qui doit être discutée devant toute lésion de grande étendue et chez les enfants en denture mixte afin de préserver les germes dentaires définitifs.
Interêt du PRF dans la réparation des perforations de la membrane de Schneiderian.
Aricioglu C, Dolanmaz D, Esen A, Isik K, Avunduk MC. Histological evalualtion of effectiveness of platelet-rich fibrin on healing of sinus membrane perforations : A preclinical animal study. J Craniomaxillo fac Surg. 2017;45: 1150-7.
Résumé :
L’objectif de cette étude expérimentale chez le lapin était d’évaluer l’efficacité du PRF (fibrine riche en plaquettes) dans la réparation des perforations de la membrane sinusienne. Au total 42 lapins femelles ont été utilisés. Des défauts osseux symétriques circulaires de 1 cm de diamètre ont été réalisés au niveau du crâne de chaque animal afin d’exposer les sinus frontaux droit et gauche. Les membranes sinusiennes ont été décollées puis perforées sur 1 cm. Aucune thérapeutique réparatrice n’a été appliquée au niveau des sinus du côté droit. Du côté gauche, les muqueuses sinusiennes ont été randomisées en 2 groupes et traitées soit à l’aide de PRF soit d’une membrane de collagène. Sept animaux par groupe ont été sacrifiés à 1, 2 et 4 semaines. Les analyses histologiques ont montré une augmentation significative du nombre de lymphocytes, de fibroblastes, de vaisseaux et de fibres de collagène du coté traité (PRF, membrane de collagène) par rapport au côté non traité. En revanche, il n’existait aucune différence significative entre les membranes de PRF et de collagène. Ces résultats suggèrent que la membrane de PRF pourrait être utilisée comme une solution alternative à la membrane de collagène dans le traitement peropératoire des perforations de la muqueuse sinusienne lors de sinus-lift.
Commentaire :
La perforation de la membrane sinusienne est une complication fréquente du sinus-lift (10 à 20% en moyenne). Une variété de matériaux et de techniques ont été proposés pour la réparation des perforations de la membrane sinusienne (≤ 5 mm et > 5 mm). L’application d’une membrane de collagène sur la déchirure est la technique la plus souvent proposée. Dans cette étude, la membrane utilisée était une membrane Osteobiol® (Laboratoire Tecnoss, Italie). Il s’agit d’une membrane en fibres de collagène dense d’origine équine ou porcine, d’épaisseur de 0,3 mm (±0,1 mm) avec une résorption estimée à 3 mois. Les résultats ont montré que l’application de cette membrane de collagène ou de PRF sur une membrane sinusienne déchirée sur 1 cm s’accompagnait d’une réaction inflammatoire et d’une cicatrisation plus importante comparativement au côté non traité. Aucune infection sinusienne n’est rapporté ni l’absence de cicatrisation de la muqueuse sinusienne.
Ces résultats histologiques montrent que chez le lapin, les membranes de fibrine obtenues par pression légère du PRF permettaient d’obtenir une cicatrisation de la muqueuse sinusienne similaire à celle obtenue avec une membrane de collagène. Des études cliniques et une comparaison avec les autres types de membrane de collagènes existantes sur le marché sont néanmoins nécessaires pour valider l’utilisation du PRF comme alternative aux membranes de collagènes dans le traitement des perforations sinusiennes.