Revue de littérature SFCO Mars 2019. Pr. Devoize
Exploration des sinus maxillaires : l’imagerie 2D a-t-elle toujours sa place ?
La tomodensitométrie et la tomographie volumique à faisceau conique (CBCT) sont considérées comme les techniques de choix pour l’imagerie des sinus. Bien que les images soient plus précises, ces techniques 3D présentent un certain nombre d’inconvénients par rapport à l’orthopantomogramme, notamment une dose de rayonnement et un coût financier plus élevés. Le CBCT s’est démocratisé, mais l’accès à la tomodensitométrie est généralement limité. Pour ces raisons, l’imagerie panoramique continue d’être largement utilisée comme première ligne d’investigation des sinus maxillaires pour la majorité des patients. Doit-on changer cette habitude ? Deux études récentes confirment que l’imagerie 3D est la technique de référence pour l’exploration des sinus maxillaires.
Lang AC, Schulze RK. Detection accuracy of maxillary sinus floor septa in panoramic radiographs using CBCT as gold standard : a multi-observer receiver operating characteristic (ROC) study. Clin Oral Investig. 2019;23(1):99-105.
Résumé :
Les septa du sinus maxillaire sont une variation anatomique ayant une prévalence d’environ 30%. Il a été démontré que la présence de septa sinusiens est le facteur de risque prédominant (odds ratio de 4.8) de la perforation de la membrane dans les procédures d’élévation du plancher sinusien par voie latérale.
Il semble donc impératif que le chirurgien connaisse la présence ou non de tels septa avant d’intervenir. Aujourd’hui, deux techniques de radiographie sont généralement utilisées pour planifier une procédure d’élévation du sinus : la radiographie panoramique bidimensionnelle et la tomographie tridimensionnelle à faisceau conique (CBCT). Il semble logique que le CBCT soit plus performant. Pour cette raison, les auteurs ont considéré le CBCT comme un « gold standard » qu’ils ont comparée au panoramique 2D pour la détection de septa intrasinusiens.
Dans leur base de données, les auteurs ont sélectionné 25 CBCT mettant en évidence la présence d’un septum (hauteur ≥ 2,5 mm). Pour le même patient, une radiographie panoramique récente devait être disponible. 28 CBCT et les panoramiques correspondants, sans preuve de septum, ont été sélectionnés comme témoins. 17 observateurs ont analysé les deux sinus des 53 panoramiques sélectionnées et ont évalué la présence / absence d’un septum sinusien sur une échelle de confiance de cinq points. Les courbes ROC (valeur Az), la sensibilité / spécificité, les valeurs prédictives positives / négatives et les rapports de vraisemblance positifs / négatifs ont été calculés pour chaque observateur et regroupés pour tous les observateurs. La reproductibilité entre évaluateurs a aussi été évaluée au moyen du coefficient intra-classe en utilisant un modèle à effets aléatoires à deux voies.
Ils ont ainsi observé des valeurs Az généralement élevées avec une médiane de 0,842. Ce facteur indique une bonne précision des radiographies panoramiques aux fins de l’identification des septa du plancher du sinus maxillaire, les valeurs comprises entre 0,8 et 0,9 étant interprétées comme très bonnes.
Néanmoins, comme on pouvait s’y attendre, la variance entre les 17 observateurs était importante et statistiquement significative. De plus la valeur prédictive positive de l’examen 2D indique que seulement 63% des observations indiquant la présence d’un septum étaient correctes. Inversement, la proportion de sinus correctement diagnostiqués sans septa dans tous les sinus était de 92%. Cela signifie qu’un nombre assez élevé de faux positifs ont été diagnostiqués. De ce fait, un total de 324 faux positifs sur un total de 1802 lectures (18%) ont été observés.
Commentaires :
Il est évident qu’une technique d’imagerie radiographique 3D sera toujours supérieure à une technique 2D pour déterminer la position et l’orientation d’un septum. Mais leur étude ne portait que sur la détection pure des septa dans le plancher du sinus maxillaire et non sur l’évaluation de leur variation spatiale.
Dans un contexte clinique, le nombre important de faux positifs aurait tendance à susciter une prudence supplémentaire de la part du chirurgien, ce qui pourrait plutôt être bénéfique pour le patient.
Néanmoins, si l’on regarde les « performances pures » il faut garder à l’esprit que le panoramique est une méthode moyennement précise dans la détection d’un septum et donc pour la planification ; d’autant plus qu’aucune corrélation n’a été observée entre l’expérience des observateurs (min 0,5 an, max 13,5 ans, médiane 5 ans) (rho de Spearman 0.1305435, p = 0.6175) et les résultats obtenus.
Constantine S, Clark B, Kiermeier A, Anderson PP. Panoramic radiography is of limited value in the evaluation of maxillary sinus disease. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol. 2019;127(3):237-246.
Résumé :
L’objectif principal de cette étude était de déterminer la sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive positive et la valeur prédictive négative de l’imagerie panoramique dans le diagnostic de différentes maladies des sinus en utilisant le CBCT comme référence. L’objectif secondaire était de déterminer quelles maladies des sinus peuvent être détectées sur les images panoramiques et quelles lésions nécessitent une imagerie en coupe transversale pour établir le diagnostic. Le dernier objectif était d’examiner la fiabilité inter-observateur entre 2 radiologues expérimentés dans le diagnostic de pathologies du sinus en utilisant l’orthopantomogramme.
1322 sinus maxillaires ont été imagés (658 sinus droits, 664 sinus gauches, sur 714 patients) et ont été évalués indépendamment par 2 spécialistes en radiologie. Les deux radiologues étaient expérimentés dans l’interprétation d’images panoramiques, ainsi que d’images tomographiques et CBCT cranio-maxillofaciales. Chaque sinus maxillaire a été examiné pour rechercher la présence d’un épaississement de la muqueuse, de polypes / kystes rétentionnels, de liquide dans le sinus, de sinusite odontogène, de mucocèles, de fistules oroantrales ou de tumeurs. Chaque maladie était enregistrée comme « présente» si le radiologue pouvait diagnostiquer en toute confiance sur la base de l’image 2D, ou «absente» si un diagnostic ne pouvait pas être fait de manière fiable. Les CBCT ont été lus par un seul des radiologistes et ont servi de référence.
Dans leurs résultats les plus intéressants, la sensibilité du panoramique pour la détection de toute pathologie du sinus maxillaire était médiocre comparée au CBCT (36,7%) mais la spécificité était élevée (> 88,1%). La valeur prédictive positive pour diagnostiquer correctement un épaississement de la muqueuse était de 79,9%, mais la valeur prédictive négative n’était que de 51,9%. A l’inverse, les résultats montrent que l’orthopantomogramme avait une valeur prédictive positive de 80,6% et une valeur prédictive négative de 90,7% indiquant que l’on peut raisonnablement être sûr de la présence (ou de l’absence) d’une maladie des sinus causée par une pathologie dentaire sans passer par le scanner ou le CBCT. En ce qui concerne la concordance entre observateurs, la concordance était très élevée (> 0,912) pour toutes les maladies signalées, à l’exception de la présence d’un épaississement des muqueuses (0,677).
Commentaires :
Il existe peu d’études publiées sur la fiabilité de l’orthopantomogramme dans le diagnostic de maladies du sinus maxillaire. La plupart de ces études n’ont été effectuées que sur un petit nombre de patients et les radiographies n’ont pas toujours été interprétées par un spécialiste en radiologie dentaire ou maxillo-faciale. Seules 4 études ont réellement comparé l’imagerie panoramique et la tomodensitométrie ou le CBCT. Toutes ces études ont montré que la tomodensitométrie ou le CBCT étaient plus précis que l’imagerie panoramique dans le diagnostic de maladies des sinus. Néanmoins, la sensibilité et la spécificité observées pour l’imagerie panoramique varie de façon marquée, et aucune de ces études ne comporte plus de 100 patients.
Cette étude a confirmé que de manière globale, l’efficacité de l’imagerie panoramique dans le diagnostic de maladies des sinus était faible, même entre les mains de radiologues expérimentés. Leur étude conclut aussi que l’imagerie 2D restait utile dans l’exclusion de sinusites d’origine dentaire et pour le diagnostic d’anomalies (autres que l’épaississement de la muqueuse du sinus) pouvant motiver des explorations complémentaires.
La tomodensitométrie et le CBCT demeurent donc la norme de référence pour le diagnostic des maladies des sinus.