SFCO

Revue de littérature - Mai 2017

Revue de la littérature Mai 2017 – Pr. L. Devoize


La télémédecine au secours des déserts médicaux: comment une simple application smartphone « grand public » gratuite pourrait améliorer la prise en charge en médecine orale.

WhatsApp: a telemedicine platform for facilitating remote oral medicine consultation and improving clinical examinations.

Petruzzi M, De Benedittis M. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol. 2016 Mar;121(3):248-54.

Résumé :

Les auteurs ont évalué la faisabilité de télémédecine dans le domaine de la pathologie orale via des moyens simples en utilisant un smartphone et l’application WhatsApp. Des chirurgiens dentistes,  des médecins, des hygiénistes et des patients eux-mêmes ont participé à l’étude et ont été conviés à transmettre des photos, des questions, etc… à propos de pathologies orales découvertes en pratique quotidienne. Un télédiagnostic par un spécialiste a été proposé, puis tous les patients ont été conviés à être revus physiquement afin de confirmer le diagnostic, en s’aidant de l’anatomo-pathologie lorsqu’elle était nécessaire.

Les résultats ont intégré 339 photos de 96 patients. 92 patients ont été effectivement revus et 45 ont bénéficié d’un examen anatomo-pathologique. La majorité des demandes ont été faites par des chirurgiens dentistes et des hygiénistes ; la question la plus fréquente concernait le diagnostic et le traitement à envisager. Les photos ont été analysées dans les 30 minutes suivant leur réception. La majorité des lésions étaient traumatiques ou infectieuses. Il est à noter que sur 3 patients se développait un carcinome épidermoïde. Enfin, fait intéressant, il y a eu une concordance globale de 82% entre le télédiagnostic et le diagnostic définitif, la moins bonne concordance se situant au niveau de pathologies linguales.

Commentaires :

L’un des problèmes principaux dans les zones rurales est l’accès aux soins. Selon les régions, prendre rendez-vous avec un spécialiste peut s’apparenter à un vrai parcours du combattant. Les délais d’attente de plus en plus longs favorisent le renoncement aux soins de certains patients, ce qui peut avoir des conséquences lourdes pour certaines pathologies. Au niveau national, le délai d’attente moyen pour obtenir un rendez-vous chez un chirurgien dentiste est de 28 jours, sachant qu’il existe une grande disparité départementale : la Creuse, la Manche, la Nièvre et l’Orne sont les départements ou les délais sont les plus longs avec plus de 2 mois d’attente. Il en est de même pour les ORL, la pénurie étant encore plus importante dans le Cantal et la Lozère. Ne parlons pas des ophtalmologues….  L’une des solutions, déjà initiée dans de nombreux domaines médicaux est la télémédecine, et ce avec succès. La télémédecine est définie comme l’échange de données médicales d’un site à un autre via une communication électronique. Il existe néanmoins des limites techniques : (1) le temps nécessaire pour obtenir des photos numériques d’une lésion orale, transférer des photos vers un appareil connecté à internet et transmettre les images en pièce jointe; (2) le coût des caméras intra-buccales, des appareils photo numériques et/ou des systèmes dédiés pour capturer des images de haute qualité; et (3) la disponibilité constante de ces dispositifs pendant les examens endo-buccaux.

Cet article a le mérite de montrer qu’il est possible, avec des moyens très simples et accessibles à tous d’établir un diagnostic ou plus raisonnablement de sélectionner les lésions/patients pour lesquels un avis spécialisé est urgent. Bien que cette forme de télémédecine ne soit pas exempte d’erreurs et ait des implications médico-légales, celle-ci peut faciliter une prise en charge rapide, ce qui conduit souvent à de meilleurs pronostics, notamment en cancérologie.


Les erreurs de procédure sont à l’origine de la majorité des décès au cours ou décours des soins dentaires.

Death related to dental treatment: a systematic review.

Reuter NG, Westgate PM, Ingram M, S Miller C. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol. 2017 Feb;123(2):194-204.

Résumé :

L’objectif principal de cette revue systématique était de mettre en évidence les facteurs de risque de la survenue d’un décès au cours ou décours de soins dentaires. En appliquant les règles de sélection des articles retrouvés sur les bases de données PubMed, DDOS, the Web of Science et Cochrane, 56 articles ont été retenus rapportant 148 décès entre 1960 et Octobre 2015 ; ce qui représente en moyenne 2,6 décès par an. La majorité des morts sont en rapport avec des complications de l’anesthésie (essentiellement générale avec halothane), de la sédation (par surdosage avec dépression respiratoire) et de prescriptions (phénomènes allergiques ou erreur de prescription) (n=70 ;47,3%) ; viennent ensuite les accidents cardio-vasculaires (principalement infarctus du myocarde et AVC) (n=31 ;20,9%), les infections (n=19 ;12,8%), les accidents respiratoires (par obstruction/inhalation, allergie ou conséquence d’un angio-œdème héréditaire) (n=18 ;12,2%) et l’hémorragie incontrôlable (patients avec insuffisance hépato-cellulaire) (n=5 ;3,4%). La majorité des décès survient dans les 4 heures suivant l’incident. L’acte le plus souvent en relation avec l’incident est un acte de chirurgie orale (avulsion dentaire/implantologie).

Commentaires :

La réalité des chiffres doit être probablement sous estimée, mais cet article montre néanmoins bien que les procédures odontologiques sont tout de même sures et n’entrainent que dans de très rares cas la mort du patient. Le pic de ces accidents est survenu dans les années 70. La profession dentaire a ainsi mis en œuvre, depuis, des méthodes qui réduisent la probabilité d’effets indésirables; il existe en effet de nombreux textes de référence, de recommandations et de revues consacrés à ce sujet, mais aussi de contraintes. Ces événements continuant néanmoins de se produire, il est important d’entreprendre ce type de  travail afin d’évaluer les facteurs de risque aboutissant à ces drames.

Il en ressort que plus de la moitié des décès auraient pu être évités et sont la conséquence de défaut(s) de protocole(s). L’arrivée des « check list » au bloc opératoire, demandées à être mises en place par la HAS, a permis de diminuer sensiblement le nombre d’erreurs médicales. Il devra en être de même avec la sédation consciente au cabinet dentaire qui va nécessairement prendre de l’importance dans les années à venir, tout comme les accidents qui pourront en découler.