SFCO

Revue de littérature - Mai 2015

Dr Sylvie Boisramé

Comparative study of the effect of warm saline mouth rinse on complications after dental extractions.

Osunde OD, Adebola RA, Adeoye JB, Bassey GO. International Journal of Oral and Maxillofacial Surgery. 2014 ; 43(5) : 649-53.

Résumé :

Les avulsions représentent un acte quotidien de chirurgie orale. L’utilisation de bain de bouche ou de rinçage alvéolaire après avulsion au sérum physiologique est rapportée par de nombreux praticiens. Cette utilisation empirique n’a pas fait l’objet d’un travail méthodologique suffisant.

Cette équipe écossaise a relevé le défi en effectuant cette étude contrôlée randomisée en simple aveugle pour évaluer l’efficacité ou non des bains de bouches au sérum physiologique tiède. L’objectif principal est de déterminer si cette utilisation réduit l’incidence des alvéolites sèches, suppurées après une avulsion simple. L’objectif secondaire est d’étudier l’effet des différentes fréquences de bains de bouche.

La méthodologie : 3 groupes de patients âgés de plus de 16 ans nécessitant une avulsion randomisée

Tous les patients ont reçu les mêmes antibiotiques et antalgiques, les instructions postopératoires similaires (sauf pour la partie bain de bouche)

Pour les bains de bouche, l’instruction était de commencer 24 heures après la procédure chirurgicale et les patients étaient revus à 72 heures soit J+3.

  • Groupe A : n = 40.  6 bains de bouche/jour avec du sérum physiologique tiède.
  • Groupe B : n = 40.  2 bains de bouche/jour avec du sérum physiologique tiède.
  • Groupe C : n = 40. Témoins : pas de bain de bouche.

Les résultats : un praticien indépendant (simple aveugle) (ne connaissant pas le groupe du patient examiné) a évalué la présence d’une alvéolite ou d’une inflammation. Sur les 120 patients, la prévalence globale d’une alvéolite était de 10%. Aucun cas d’alvéolite suppurée n’était observé. Une différence statistiquement significative concernant le développement d’une alvéolite sèche entre les groupes A et B salins (2 sur 80) par rapport à 25% (10 de 40) dans le groupe témoin C est retrouvée.

De plus, sur la fréquence des bains de bouche, il n’y a pas de différence significative dans l’efficacité du bain de bouche au sérum physiologique tiède en biquotidien versus 6 par jour. Cette étude conclut donc au bénéfice de l’utilisation du sérum physiologique tiède en bain de bouche pour la prévention des alvéolites post-opératoires, en posologie biquotidienne (observance du patient++). Cet usage peut être effectué par le patient avec peu de risques et avec un coût modique.

Commentaire :

Cette étude est bien menée par la constitution de groupes homogènes (données démographiques, raisons de l’avulsion) et par l’examinateur post-intervention qui du fait de son aveuglement permet de réduire les biais.

Elle présente quelques limites :

  • le lecteur ne sait pas comment la randomisation a été menée.
  • A l’heure où une meilleure gestion (réduction) de la prescription des antibiotiques est demandée par les autorités sanitaires européennes, tous ces patients en bonne santé ont reçu une bi-antibiothérapie (amoxicilline 500mg et métronidazole 200mg  3 fois par jour pendant 5 jours) pour une avulsion simple.
  • L’âge moyen des patients de 29 ans ne peut être généralisé à la population au niveau de la guérison.
  • Aucun retour n’est fait sur le protocole effectué par le patient : ceux du groupe B ont ils bien fait leurs 6 bains de bouche ?

Cette étude, montrant l’efficacité du sérum physiologique tiède en bain de bouche pour la prévention des alvéolites post-opératoires, en posologie biquotidienne, mérite  d’une part d’être élargie à des groupes de patients exclus de cette étude du fait de leur morbidité (diabète, fumeurs, etc…) et d’autre part de tester l’efficacité de cette utilisation sans aucun effet antibiotique sous-jacent.

 

PENTOCLO : A novel treatment for osteoradionecrosis of the temporal bone.

Glicksman JT, Khalili S, Fung K, Parnes LS, Agrawal SK. Head Neck. 2015 Mar 27. 

Résumé :

L’ostéoradionécrose (ORN) est une complication de la radiothérapie cervico-faciale. Elle entraîne une désunion muqueuse avec exposition, lyse et surinfection osseuse pouvant aller jusqu’à la fracture pathologique. Durant la dernière décennie, le Dr Sylvie Delanian de l’APHP Saint Louis, Paris, France a développé un protocole de prise en charge par un traitement médical, à partir du concept physiopathologique de l’ORN (« atteintes directe par ostéolyse ostéoclastique (macrophage) et ostéocytique amplifiée par l’infection chronique et ostéoporose (ostéoblaste), et indirecte par fibrose radio-induite et microcirculation défectueuse ») appelé PENTOCLO. Il s’agit d’un traitement associant pentoxifylline, tocophérol, clodronate, prednisolone et ciprofloxacine.

Cet article rapporte la prise en charge efficace par PENTOCLO d’un cas atypique et rare d’ORN de l’os temporal survenu 20 ans post-radiothérapie cervico-faciale chez une femme de 52 ans ayant été traitée pour une tumeur parotidienne. Il s’agit de la première description d’un cas d’ORN de l’os temporal réfractaire aux séries de débridement, de lavage, aux multiples médications (antibiotiques oraux et topiques, antifongiques) cédant à la mise en place du protocole PENTOCLO.

Les autres modalités de prise en charge : l’oxygénothérapie hyperbare (HBO) et la résection de l’os temporal avaient été discutées avec cette patiente. Compte tenu de la distance de son lieu de résidence  pour l’HBO et son refus de la chirurgie, un essai thérapeutique contrôlé randomisé de phase III PENTOCLO lui a été proposé.  Il comprenait un traitement « antiseptique » initial de 2 semaines comprenant  20 mg/J de prednisone par voie orale, 2g/500mg d’amoxicilline-acide clavulanique/J, ciprofloxacine 1g/J et fluconazole 50mg/J suivi du régime PENTOCLO (5J/semaine 400mg x2/J de pentoxifylline du lundi au vendredi, vitamine E 600 unités internationales chaque matin et 400 unités internationales chaque soir, et 1600mg/J per os de clodronate, 1g/J de ciprofloxacine et 20 mg/J de prednisolone 2j par semaine (samedi et dimanche)). Après un mois de PENTOCLO, les otalgies et otorrhées du patient étaient résolues et une réépithélialisation était effective. Les auteurs font état des travaux publiés sur ce protocole peu connu du monde médical et chirurgical.

Commentaire :

Ce cas atypique d’ORN de l’os temporal est un cas difficile à gérer et l’apport de cette approche thérapeutique est intéressant. Bien sûr, d’autres études sont nécessaires avant de pouvoir tirer des conclusions. Même si les résultats publiés sont prometteurs chez les patients atteints d’ORN de la mandibule, diverses études pourront être menées dans l’avenir : étude comparative versus approche chirurgicale, versus autres approches médicales. Une étude longitudinale permettrait aussi d’évaluer la l’efficacité de PENTOCLO dans la rémission voire la guérison des patients atteints d’ORN.