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Revue de littérature - Juin 2017

Revue de littérature SFCO juin 2017- Pr. P Lesclous

Efficacy and safety of 1% ropivacaine for postoperative analgésia after lower third molar surgery : a propsective, randomized, double-blinded clinical study.

Brkovic B H, Andric M, Cabasan D, Milic M, Stepic J, Vucetic M, Brajkovic D et Todorovic L. Clin Oral Invest 2017, 21 :779-785.

Résumé :

Le contrôle de la douleur postopératoire est de plus en plus et de mieux en mieux pris en compte après un acte de chirurgie orale effectué sous anesthésie locale ou locorégionale. Il est bien établi que cette douleur est maximale après 3 à 5 heures suivant l’avulsion de dents de sagesse mandibulaires incluses, juste après la résolution de l’anesthésie. Il est aussi démontré que la période postopératoire sans douleur est significativement augmentée si l’anesthésie locale a été complétée par une injection d’un anesthésique local de longue durée d’action telles la Bupivacaine ou la Ropivacaine. Cependant, concernant cette dernière molécule, très peu d’informations sont disponibles dans le domaine de la chirurgie orale puisqu’il n’existait aucune indication règlementaire. Seuls quelques cas cliniques étaient renseignés. Le but de cette étude est d’investiguer l’effet analgésique postopératoire de la Ropivacaïne qu’elle soit utilisée en anesthésique principal ou en complément d’une anesthésie loco-régionale dans le cadre de l’avulsion d’une troisième molaire mandibulaire incluse. Cette étude en double aveugle, randomisée comprenait 72 patients sains, âgés e 18 à 30 ans. Trois groupes de 24 patients étaient constitués. Tous ont eu deux infiltrations tronculaires en vue d’anesthésier le nerf alvéolaire inférieur avant et après le geste chirurgical. Le premier a reçu une infiltration préopératoire de Lidocaïne à 2% avec adrénaline à 1/80 000 et une infiltration postopératoire de Ropivacaïne à 1%, le deuxième une injection préopératoire identique au premier groupe et une infiltration postopératoire de chlorure de sodium (placebo) et le troisième groupe une infiltration préopératoire de Ropivacaïne à 1% et une infiltration postopératoire de chlorure de sodium. Les techniques d’infiltration et d’avulsion dentaire étaient standardisées et toutes réalisées par le même opérateur. Le niveau de douleur postopératoire a été enregistré pendant l’acte chirurgical à l’aide d’une échelle visuelle analogique de 100mm puis au moment où une prise d’antalgique (400mg d’Ibuprofène) devenait nécessaire et ce pendant 24 heures. Les tensions systoliques et diastoliques ont été enregistrées chez tous les patientsjuste avant la première infiltration d’anesthésique, pendant l’acte opératoire jusqu’à 5 heures postopératoires. Les effets indésirables et les complications étaient enregistrés dès 24 heures pendant 7 jours. La cohésion des groupes a été vérifiée sur le plan statistique. 8 patients ont stoppé l’étude sans affecter la pertinence statistique des 3 groupes. Le groupe ayant bénéficié d’une première infiltration de Ropivacaïne à 1% en tant qu’anesthésique principal a déclaré des douleurs peropératoires significativement plus élevées que dans les 2 autres groupes. La durée de l’analgésie postopératoire avant la première prise antalgique est très significativement plus longue dans le premier groupe et très significativement diminuée dans le deuxième groupe (comprenant l’injection postopératoire d’une solution placebo). Aucune différence statistique n’a été notée en terme d’intensité douloureuse, de tension artérielle, d’effet indésirable et de complications postopératoires. Bien d’autres résultats sont détaillés dans cette étude. La conclusion est donc qu’une infiltration postopératoire immédiate d’une solution de Ropivacaïne à 1% améliore sensiblement les suites postopératoires douloureuses

Commentaires :

Sur le plan méthodologique, cette étude est bien sur critiquable puisqu’un seul opérateur était impliqué dans un seul centre, que les patients perdus de vue sont sortis de l’étude et que la Ropivacaïne utilisée comme anesthésique principal n’était pas couplé à un vasoconstricteur comme la Lidocaïne. Néanmoins, elle souligne l’apport bénéfique d’une injection postopératoire de 2ml de Ropivacaïne à 1% sur le niveau d’analgésie. Cette pratique est d’ailleurs de plus en plus en vigueur par certaines équipes de chirurgie orale françaises pour ce type d’intervention. Il est temps, semble t’il, de l’intégrer pleinement dans notre enseignement et notre pratique clinique pour des interventions de chirurgie orale complexes et de monter une telle étude mais sur plusieurs sites et donc en impliquant différents praticiens de niveaux de compétence différent.


Postoperative socket irrigation with drinking tap water reduces the risk of inflammatory complications following surgical removal of third molars : a multicenter randomized trial.

Ghaeminia H, Hoppenreijs TJM, Xi T, Fennis JP, Maal TJ, , Bergé SJ et Meijer GJ. Clin Oral Invest 2017, 21 : 71-83.

Résumé :

L’avulsion des troisièmes molaires, l’un des gestes chirurgicaux les plus fréquents en chirurgie orale, est encore trop souvent accompagnée de complications douloureuses, d’œdème postopératoire voire de trismus ou de dysfonctions orales. Celles-ci sont souvent transitoires pendant 2 à 3 jours mais des complications plus longues, telles les alvéolites, assez fréquentes, ou des infections du site opératoire ne sont pas rares. Elles sont bien sur génératrices de douleurs et d’inconfort pour le patient mais elles engendrent aussi une surconsommation médicale non négligeable. Dès lors, la prévention de leur survenue par un moyen simple non médicamenteux doit être évaluée. Et c’est le but principal de cette étude clinique que d’évaluer l’éventuel effet préventif de telles complications d’un simple rinçage alvéolaire à l’eau du robinet à l’aide d’une seringue. Cette étude multicentrique randomisée contrôlée a inclus des patients candidats à l’avulsion d’une troisième molaire mandibulaire incluse sous anesthésie loco-régionale. Aucune antibioprophylaxie ni aucune antisepsie préopératoire n’était admise. L’acte chirurgical était standardisé et la compétence des praticiens ainsi que la durée des interventions enregistrées. La stratégie antalgique médicamenteuse était identique pour tous les patients. 2 groupes de patients ont été constitués, celui bénéficiant d’un autorinçage intra-alvéolaire d’eau du robinet à la seringue 4 fois par jour à partir de 48 heures après l’intervention pendant 7 jours et celui n’en n’ayant pas. L’apprentissage du patient au maniement de la seringue était bien réalisé. Les auteurs ont évalué le nombre et le type de complications post-opératoires (alvéolites, infections). Leurs critères de diagnostic étaient bien définis. 280 patients représentant 333 sites opératoires ont été inclus. La cohérence (y compris les facteurs perturbant la cicatrisation tels l’addiction tabagique ou les habitudes d’hygiène orale) des 2 groupes a bien été étudiée. Il est à noter qu’un peu plus de 40% de ces sites dans le groupe seringue ont été exclus car non irrigués correctement. L’incidence des alvéolites était presque 3 fois moindre dans le groupe seringue et celle des autres complications infectieuses 2 fois moindre dans ce groupe de patients. Le score de douleur évalué par échelle visuelle analogique était significativement corrélé avec la présence d’une complication postopératoire. Une analyse multivariée de régression a montré que l’âge du patient (> 26 ans), le sexe féminin, la profondeur d’inclusion et le niveau de compétence du praticien constituaient des facteurs corrélés positivement avec la survenue de ces complications postopératoires.

Commentaires :

Cette étude simple mais pas simpliste montre l’intérêt indiscutable d’une asepsie localisée postopératoire, ici avec de l’eau du robinet, pendant une semaine. Néanmoins, on peut juger regrettable que les auteurs aient prohibé toute mesure d’asepsie pré- et postopératoires immédiates pourtant d’usage très courant. De plus, ils ont exclu toute antibioprophylaxie alors qu’elle est recommandée pour ce type d’intervention dans nombre de pays dont la France. Enfin, le groupe seringue a été amputé d’un très grand nombre de patients par mésusage du dispositif de rinçage ce qui suppose une certaine habileté manuelle que n’a pas tous les patients. Aucun suivi de ces patients n’est proposé dans cette étude et c’est bien dommage. Dès lors, le lecteur peut légitimement se poser la question de la signification des résultats enregistrés. Mais que ce lecteur n’oublie pas le principal message véhiculé, un nettoyage simple (voire une antisepsie) systématisé après une intervention de chirurgie orale a une incidence directe sur le taux de complications postopératoires.