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Revue de littérature - Juillet 2014

Hygiène orale et réanimation : comment limiter la survenue d’une pneumonie sous ventilation assistée.

 

Shi Z, Xie H, Wang P, Zhang Q, Wu Y, Chen E, Ng L, Worthington HV, Needleman I, Furness S. Oral hygiene care for critically ill patients to prevent ventilator-associated pneumonia. Cochrane Database Syst Rev. 2013;8.

 

 

La pneumonie sous ventilation assistée (PVA) est définie comme une pneumonie se développant chez les malades sous ventilation mécanique depuis au moins 48 heures. La PAV est une complication potentiellement grave chez des patients déjà très affaiblis. De nombreux faisceaux d’arguments mettent en évidence une contamination pulmonaire directe par les germes buccaux par le biais de la sonde d’intubation. Les auteurs de cette revue Cochrane ont cherché à mettre en évidence si la réalisation de soins d’hygiène buccale pouvait réduire le risque d’apparition d’une PVA chez ces malades.

 

35 essais randomisés (incluant 5374 malades) ont été inclus dans cette revue. 5 essais (14%) ont été évalués à faible risque de biais, 17 (49%) à haut risque de biais et 13 (37%) à risque indéterminé sur un ou plusieurs des paramètres étudiés.

 

Malgré le manque d’homogénéité des études (classique dans ce genre de méta-analyses), les résultats ont toutefois montré qu’il y avait une réduction de 40% de la probabilité de développer une PAV avec la simple réalisation de soins de bouche. Cependant, il n’existerait pas de preuve d’une différence sur les taux de mortalité global, sur la durée de ventilation ou sur la durée de séjour en réanimation. Il n’existe également aucune preuve de supériorité d’une technique sur une autre (bain de bouche ou gel contenant un antiseptique, brossage dentaire électrique ou mécanique,  nettoyage des dents et des gencives par une gaze, etc..). La povidone-iodée utilisée en bain de bouche semblerait néanmoins plus efficace.

 

Commentaire :

 

Il est ici intéressant de voir que le seul fait de s’intéresser à la bouche en réalisant quelques soins simples peut améliorer significativement la survenue d’une infection nosocomiale au premier rang des complications fatales. Il faut avoir en tête que 25% des malades développant une PAV vont décéder ou vont avoir des séquelles graves.  Il existe malheureusement de nombreux obstacles à l’accès à ces soins (liés au système de soins lui-même, mais aussi liés à l’enseignement prodigué aux infirmières et aux médecins…). A nous de faire changer les choses….et de faire passer le message.

 

 

« Krokodil » : une drogue aux effets dévastateurs sur l’organisme et notamment sur les maxillaires

Poghosyan YM, Hakobyan KA, Poghosyan AY, Avetisyan EK. Surgical treatment of jaw osteonecrosis in “Krokodil” drug addicted patients. J Craniomaxillofac Surg. 2014 (in press)

 

 

La substance active du “Krokodil” est la  désomorphine, molécule appartenant au groupe des opiacés. Les toxicomanes synthétisent la désomorphine en utilisant des substances peu onéreuses et facilement disponibles en pharmacie, drogueries ou divers autres magasins : analgésiques contenant de la codéine, iode, sodium, phosphore rouge (à partir de boîtes d’allumettes), acide chlorhydrique et essence. L’utilisation de cette drogue, en intraveineuse, a un effet destructeur sur l’organisme, au point d’injection (entrainant une nécrose verdâtre ressemblant à la peau de crocodile, d’ou son nom) mais aussi dans la zone maxillo-faciale, entrainant l’apparition d’une ostéonécrose rapidement extensive.

 

Les auteurs décrivent ici les séquelles maxillo-faciales de cette substance, notamment une nécrose quasi complète de la mandibule avec exposition osseuse endo-buccale (impressionnante) de la presque totalité de celle-ci. Ils décrivent leur protocole de prise en charge, la chirurgie d’exérèse avec reconstruction semblant être la meilleure alternative. Les récidives sont néanmoins très fréquentes, présentes dans 23% des cas traités malgré l’arrêt de l’intoxication.

 

 

Commentaire :

 

Tout ceci rappelle un article de Carrel et al. (2006) publié dans MBCB sur la relation entre intoxication au phosphore et la survenue d’une ostéochémonécrose (décrite il y a déjà 2 siècles avec les « phossy jaws » chez les ouvriers fabricant les allumettes, et compatible avec celle retrouvée pour les bisphosphonates).  L’imputabilité du phosphore dans l’apparition de ces ostéonécroses est encore  mise en évidence.

L’espérance de vie des toxicomanes est faible, dépassant rarement 3 ans à partir de la première injection. Cette drogue, apparue en 2002 en Sibérie a vu son utilisation se développer au sein de la Russie. Son passage dans d’autres pays comme l’Allemagne ou les Etats-Unis a été suspecté mais jusqu’alors non démontré. Espérons que cette drogue ne s’implante pas dans nos contrées….