Revue de la littérature SFCO Février 2017 – Dr. Deschaumes
La coronectomie, une alternative fiable à l’avulsion de la dents de sagesse incluses contre le canal mandibulaire
Yui Yan Leung and Lim Kwong Cheung Long-term morbidities of coronectomy on lower third molar. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol 2016 ; 121 :5-11
Résumé :
L’avulsion des dents de sagesse mandibulaire est une des chirurgies les plus couramment réalisées mais est responsable de la moitié des complications neurosensorielles retrouvées en odontostomatologie. Les dysesthésies, hypoesthésies ou anesthésies labiomentonnières suite à l’avulsion de ces dents sont liées à la proximité des racines avec le nerf alvéolaire inférieur.
L’alternative est la coronectomie, technique qui vise à avulser uniquement la partie coronaire de la dent en laissant ad integrum les racines connexes au nerf alvéolaire inférieur. Cette technique qui a été rapportée dès les années 2000, est encore peu décrite. Plusieurs études ont montré que la coronectomie de dents de sagesses mandibulaires contiguës au nerf alvéolaire inférieur ne s’accompagnait qu’exceptionnellement de déficit nerveux contrairement à l’avulsion de ces dents (Renton , Leung).
Mais que deviennent ces racines laissées en place, à proximité du canal mandibulaire ?
L’objectif de cette étude prospective est d’évaluer les complications post opératoires précoces et tardives (entre 1 semaine post opératoire et 5 années) de la coronectomie de dents de sagesse mandibulaires incluses en contiguïté radiologique avec le canal mandibulaire.
Une coronectomie a été réalisée sur 612 dents de sagesse mandibulaires devant être avulsées.
Concernant le risque de lésion nerveuse , qui est l’indication même de la coronectomie, les auteurs ne rapportent qu’un seul cas (0,16%) présentant une lésion du nerf alvéolaire inférieur ayant provoqué une hypoesthésie labiomentonnière légère, persistante pendant 12 mois. Aucun sujet n’a eu de lésion du nerf lingual.
Concernant la douleur post opératoire, la coronectomie s’accompagne d’une douleur relativement faible (3,2/10 ; SD : 1 ,7/10) par rapport à celle suite à l’avulsion totale de cette dent.
Concernant le devenir des racines laissées en place, le risque d’éruption est de 2,3% et est la plupart du temps tardif (entre 37 et 60 mois) et a nécessité une ré intervention dans tous ces cas. L’avulsion secondaire de ces racines ne s’est accompagnée d’aucune lésion nerveuse.
Les auteurs montrent que 2,9% des sujets ont présentés une infection post opératoire immédiate traitée uniquement par des mesures d’hygiène locale sans avulsion des racines résiduelles. Cette incidence d’infection correspond à celle de l’avulsion classique des dents de sagesse.
Commentaires :
La coronectomie est une alternative fiable à l’avulsion de dents de sagesse en contact avec le nerf alvéolaire inférieur dans le mesure où elle prévient un risque de complications neurosensorielles non négligeable. Cependant la faible morbidité à court et long terme de cette technique est liée à une technique chirurgicale maitrisée.
Le seul inconvénient de cette technique est … son absence de cotation à la CCAM !
Parodontite + tabac = un cocktail explosif en implantologie
Stijn Vervaeke et al. A 9-years prospective case using multivariate analyses to identify predictors of early and late peri-implant bone loss. Clin Implant Dent Relat Res 2016 ;18 :30-9
Résumé :
Nombreuses sont les études qui ont recherché les facteurs prédictifs de la perte osseuse péri implantaire. Cependant la plupart de ces études sont rétrospectives, avec tous les biais méthodologiques que cela implique et/ou évaluent sur une courte période.
Cette étude a le triple intérêt d’avoir évalué la perte osseuse de façon prospective, sur une période de 9 ans et dans une cohorte implantaire homogène.
Cinquante sujets ayant bénéficié d’une réhabilitation implant portée totale, maxillaire ou mandibulaire, avec mise en charge immédiate (2 jours) sur 5 à 8 implants ont été inclus consécutivement. Seuls 39 sujets, soit 245 implants, ont pu être évalués pendant 9 années. Les facteurs prédictifs de la perte osseuse évalués par une analyse multivariée à 1 an et à 9 ans dans cette étude sont : l’intoxication tabagique, l’épaisseur gingivale, les antécédents de maladie parodontale et la situation des implants.
Cette étude montre que la perte osseuse n’est pas régulière dans le temps mais qu’elle se situe essentiellement dans les 3 premiers mois après la pose de l’implant puis est plus progressive les mois et années suivants.
Parmi les prédicteurs étudiés, l’épaisseur de la gencive péri-implantaire évaluée par la hauteur du pilier prothétique est le seul facteur prédictif de la perte osseuse initiale évaluée à 1 an. Celle ci est plus importante si la gencive est fine que si elle est épaisse. Tomasi et al.(2013) ont montré que l’épaisseur d’une gencive saine péri implantaire est de 3,6 mm en moyenne. Cette étude nous montre également l’absence de résorption osseuse si l’épaisseur de la gencive péri-implantaire est d’au moins 3 mm.
Par contre à long terme (9 ans) la perte osseuse péri implantaire est aggravée de plus de 1 mm chez les sujets ayant des antécédents de parodontite et chez les sujets ayant une intoxication tabagique. Mais l’association de ces 2 prédicteurs augmente de façon drastique le risque d’avoir une perte osseuse péri-implantaire bien supérieure aux sujets témoins, comme le suggère l’étude de Heitz-Mayfield (2009).
Commentaires :
Cette étude rappelle l’importance du contexte local gingival dans le succès implantaire. Le sertissage gingival de l’implant est essentiel dans le maintien du niveau osseux péri-implantaire et dépend donc essentiellement du biotype gingival, Au delà de l’évaluation du volume osseux disponible, l’implantologiste doit surtout évaluer la qualité des tissus gingivaux et leur capacité de réparation : les antécédents parodontaux et l’intoxication tabagique sont des facteurs de risques relatifs pris séparément mais rédhibitoires s’ils sont associés !