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Revue de littérature - Avril 2015

Evidence supporting pre-radiation elimination of oral foci of infection in head and neck cancer patients to prevent oral sequelae. A systematic review.

Pr Philippe Lesclous

Schuurhuis J.M., Stokman M.A., Witjes M.J.H., Dijkstra P.U., Vissink A., Spijkervet F.K.L.  Oral Oncology 2014, 5 :212-20.

Résumé :

L’examen et la mise en état de la cavité orale systématique avant une radiothérapie cervico-faciale chez des patients atteints d’un cancer des voies aéro-digestives supérieures font partie des dogmes enseignés dans la plupart des universités du monde. Il est reconnu que de tels patients présentent un état bucco-dentaire plus altéré qu’une population saine. Cet état de fait est corrélé bien sur à l’addiction alcolo-tabagique. Tous les praticiens sont sensibilisés au risque d’ostéradionécrose et les complications afférentes. Mais sur quelle base scientifique repose réellement ce dogme? C’est exactement le but de cette revue systématique de la littérature qui analyse les bénéfices apportés (ou non) et prouvés par l’élimination pré-radique des foyers infectieux buccaux de façon à minimiser les effets indésirables d’une telle irradiation au niveau de la cavité buccale.

Cette revue systématique a été conduite en interrogeant la base de donnée Medline jusqu’en mai 2014 sur ce sujet. Sur les 1770 articles identifiés, seules 20 études, dont 17 rétrospectives, remplissant tous les critères de sélection ont été retenues. Une très grande hétérogénéité concernant les groupes de patients étudiés ainsi que les techniques d’examen et de mise en état de la cavité buccale utilisées a été retrouvée. la définition même de foyer infectieux bucco-dentaires est différente entre certaines de ces études. Par exemple, 7 définitions différentes de la parodontite ont été retrouvées et donc des procédures de prise en charge, conservatrices ou plus radicales, pas toujours convergentes. La présence d’une fluorothérapie per ou post-radique n’est pas toujours renseignée. L’incidence de l’ostéoradionécrone après avulsion dentaire post-radique varie de 4 à 57%. Les doses totales et les modes d’irradiation ne sont pas souvent définis et lorsqu’ils le sont, pas toujours comparables. Les durées de suivi des patients sont aussi très différentes d’une étude à l’autre.

La plupart de ces études souffre de graves manquements méthodologiques de telle sorte qu’aucune corrélation positive entre l’élimination pré-radiques des foyers infectieux buccaux et la survenue de séquelles endo-buccales post-radiques, en particulier l’incidence de l’ostéoradionécrose, n’est statistiquement pas possible.

Commentaire :

Cette conclusion peut paraître difficilement croyable. Mais il faut bien comprendre que l’absence de preuve dans un tel contexte méthodologique ne signifie pas l’absence d’efficacité des procédures d’élimination pré-radique des foyers infectieux buccaux. Il convient de le prouver par des études prospectives, avec des critères d’évaluation clairs et reproductibles concernant l’identification de ces foyers (et donc leurs définitions) et les moyens de les éradiquer. De plus, la caractérisation des patients inclus et des tumeurs ainsi que le traitement radiothérapique (dose d’irradiation, technique utilisée) devraient être systématiquement renseignés. Enfin, les séquelles orales post-radiques devraient être systématiquement enregistrées. Du travail de recherche clinique en perspective !   

 

CD14 and TNFa single nucleotide polymorphisms are candidates for genetic biomarkers of peri-implantitis.

Pr Philippe Lesclous

Rakic M., Petkovic-Curcin A.,  Struillou X., Matic S., Stammatovic N., Vojvodic D. Clin Oral Invest 2015, 19 :791-801.

Résumé :

L’objectif de cette étude prospective et contrôlée est de rechercher dans quelle mesure des polymorphismes nucléotidiques des CD14-159 C/T (le principal co-récepteur du toll-like récepteur impliqué dans la transmission du stimulus des bactéries parodontogènes, localisé à la surface des neutrophiles et des cellules de la lignée monocyte/macrophage) et du TNFa-308 A/G seraient associés, ou non, à la péri-implantite et, si oui, d’évaluer leurs effets sur la résorption osseuse en corrélant ces polymorphismes avec les niveaux d’expression locale de facteurs moléculaires clés dans ce phénomène, facilitateur : le RANKL (receptor activator nuclear factor kappa-B ligand) ou inhibiteur : l’OPG (ostéoprotégérine). Le CD14-159 C/T est connu pour avoir une expression proportionnellement corrélée à la production de cytokines pro-inflammatoires conduisant à la résorption osseuse consécutive à l’infection bactérienne chez les patients présentant une parodontite chronique. Le TNFa est l’une de ces cytokines pro-inflammatoires connue pour fortement stimuler la résorption osseuse en agissant sur la différentiation et l’activité ostéoclastique. Ces polymorphismes concernant ces deux facteurs protéiques sont déjà documentés chez les patients atteints de parodontite chronique.

Cette étude se déroule chez 180 patients présentant une péri-implantite et chez 189 patients contrôles implantés dénués de toute péri-implantite.  Les critères d’inclusion et d’exclusion sont clairement définis tant du point de vue démographique que du point de vue implantaire. Le génotypage se fait sur prélèvement sanguin périphérique par PCR (Polymerase Chain Reaction) et le dosage de RANKL et OPG est réalisé à partir de prélèvements de fluide gingival sur les sites atteints ou contrôles par ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay), techniques couramment utilisées en biologie moléculaire.

L’analyse des résultats montre qu’aucune différence n’est enregistrée entre les deux groupes de patients concernant les critères d’inclusion. Ils sont donc comparables. Tous les critères classiques d’atteinte parodontale (indice de plaque, saignement au sondage, profondeur de poche) sont plus élevés chez les patients atteints de péri-implantites.  Le taux de RANKL dans le fluide gingival est aussi plus élevé chez ces patients alors que celui d’OPG est plus important chez les patients sains. Un polymorphisme au niveau du CD14-159 C/T est retrouvé pour les patients porteurs du génotype CC, patients atteints de péri-implantite, alors que le génotype CT est plus fréquent chez les patients sains. Ce polymorphisme entraine un risque de péri-implantite 5 fois plus élevé. De plus, cette catégorie de patients montre un taux de RANKL plus élevé, signe d’une résorption osseuse alvéolaire accrue. En ce qui concerne le TNFa-308 A/G, le génotype AG est aussi associé à un sur-risque multiplié par 5 de péri-implantite chez les patients porteurs alors que le phénotype GG est plus fréquent chez les patients sains. En revanche, aucune corrélation avec le RANKL ou l’OPG, n’est retrouvée concernant le TNFa-308 A/G.

Commentaire :

En conclusion, cette étude a permis d’identifier deux polymorphismes géniques qui pourraient constituer des marqueurs intéressants du risque de péri-implantite en pratique clinique. Il convient néanmoins de reproduire ces résultats chez un plus grand nombre de patients. Une prise en charge implantaire plus adaptée pourrait alors en découler.