Revue de littérature SFCO août 2018- Pr. Philippe Lesclous
Is antibiotic prophylaxis to prevent infective endocarditis worthwhile ?
Dayer M, Thornhil M. J Infect Chemother 2018, 24 :18-24.
Résumé :
La littérature médicale est prolixe ces deux dernières années sur l’efficacité de l’antibioprophylaxie (ABP) de l’endocardite infectieuse (EI) chez les patients à haut risque avant un geste bucco-dentaire déclenchant une bactériémie significative telle que recommandée aujourd’hui (une seule prise monodose dans l’heure qui précède le geste opératoire) partout sauf en Grande Bretagne (et en Suède qui lui a emboité le pas). Pas moins d’une trentaine de publications référencées dans Pubmed Central depuis 2016 ! La quasi totalité d’entre elles reconnait aujourd’hui la nécessité sinon le bien fondé d’une telle ABP dans ce cadre, tout en admettant que le bénéfice apporté en terme de réduction du nombre d’EI est difficilement quantifiable.
Cette remarquable revue de la littérature commise par deux des experts britanniques du NICE (National Institute for health and Clinical Excellence ; l’équivalent britannique de la Haute Autorité de Santé française) qui ont promu en 2008 puis confirmé en 2015 la cessation de toute ABP dans ce cadre, fait le point sur plusieurs aspects du problème. Après une partie inaugurale sur l’épidémiologie de l’EI et l’origine de l’ABP, les auteurs consacrent une large part de cette revue aux faits (sinon aux preuves) associés à cette ABP, sur des modèles animaux comme chez l’homme en prenant en compte les effets de cette ABP sur la bactériémie post-opératoire mais aussi sur l’incidence de l’EI. Une courte partie de cette revue est consacrée aux coûts financiers et biologiques en termes d’antibiorésistance et de réactions médicamenteuses indésirables à cette ABP.
Il est important de noter que ces 2 auteurs en infèrent plusieurs réflexions très intéressantes. « Il reste à savoir jusqu’à quel point l’ABP est efficace » (sous entendu, elle l’est donc bien). « Compte tenu de la rareté de l’EI mais de son importante morbidité, une approche conventionnelle par une étude randomisée contrôlée assez puissante pour en tirer d’indiscutables recommandations de bonne pratique n’est pas envisageable. Il conviendrait alors de tirer parti des études existantes bien menées, principalement des études cas-témoins, et d’en conclure qu’il n’est pas possible d’exclure la possibilité que l’ABP ait un impact positif sur la prévention de l’EI, aussi faible soit-il. Les réticences d’hier concernant l’antibiorésistance, l’anaphylaxie fatale ou le surcoût engendré par l’ABP ne semblent plus de mise car probablement très minimes. Dès lors, le concept de gain marginal, en vogue dans certains domaines, particulièrement le domaine sportif, pourrait être appliqué pour réduire le poids de l’EI et améliorer les résultats de l’ABP».
Et de conclure : « Nous croyons, une fois les faits avérés pris en compte, que l’ABP est un gain marginal dans la bataille contre l’IE et que le rapport bénéfice/risque est favorable particulièrement chez les patients à haut risque d’EI et possiblement chez ceux à risque modéré, même si nous admettons qu’une preuve irréfutable de son efficacité manque toujours ».
Commentaires :
Il est savoureux de constater que les pourfendeurs de l’ABP d’hier en sont presque les défenseurs d’aujourd’hui ! Les britanniques vont-ils rentrés dans le rang ? C’est fort possible. Il convient quand même de saluer cette équipe britannique qui a su se remettre en cause et en tirer la « substantifique moelle ». La médecine n’est pas une science exacte, c’est une fois de plus vérifié.
Outcome of CO2 laser vaporization for oral potentially malignant disorders treatment.
Cloitre A, Rosa RW, Arrive E, Fricain JC. Med Oral Patol Oral Cir Bucal 2018, 23 : 237-47.
Résumé :
Le cancer, en particulier le cancer oral, est une cause de santé publique majeure dans le monde entier. Les lésions orales potentiellement malignes (LOPM) sont prédisposées, comme leur nom l’indique, à une transformation maligne ; c’est le cas des leucoplasies, du lichen plan, de certaines dysplasies lichénoïdes ou de certaines chéilites actiniques. L’exérèse chirurgicale est le traitement standard de ces lésions. Celle-ci peut se faire de manière conventionnelle « à la lame froide », mais aussi faire appel à la cryochirurgie, à la thérapie photodynamique et plus particulièrement à la vaporisation à l’aide d’un laser CO2. Ce dernier est d’ailleurs devenu en quelques années un moyen de traitement majeur, sur et efficace, pour ce genre de situations cliniques. L’objectif principal de cette étude était d’estimer le taux récurrence et de transformation maligne de LOPM traités par vaporisation à l’aide d’un laser CO2 sur une population hospitalière bordelaise pendant une période de 4 ans et d’identifier de possibles facteurs associés. Il s’agissait d’une étude rétrospective sur des patients ayant un suivi clinique d’au moins 12 mois. Tous les patients inclus ont eu ce type de traitement après un diagnostic initial histologique de LOPM. La lésion muqueuse délimitée à l’aide d’un marqueur dermographique a été traitée avec une marge de 2 à 3 mm, après anesthésie locale (articaïne avec épinéphrine à 1/100 000), à l’aide d’un laser CO2 Lumenis 40C, à une longueur d’onde de 10966 nm avec un faisceau focal spot 4 à une puissance de 10 à 20 W en application sans contact. Le contrôle de la douleur post-opératoire était effectué avec des prescriptions de paracétamol seul ou associé à la codéine. Sur les 46 patients identifiés comme éligibles à l’étude, 21 furent exlus car ils ne présentaient pas une durée de suivi clinique assez longue (> 12 mois). Parmi les 25 patients retenus, 68% rapportaient un tabagisme, 43.5% un alcoolisme et 14%.3% combinaient les 2. Le nombre moyen de séances de traitement laser était de 4. Les LOPM les plus traitées étaient des leucoplasies homogènes et non homogènes ainsi que du lichen plan. La majorité d’entre elles, 56%, avaient un diagnostic histologique de dysplasie légère à modérée tandis que le reste était des hyperplasies sans dysplasie. Un taux de récurrence de 44% à en moyenne 19 mois après traitement laser initial était constaté. La moitié de ces récurrences ont été traitée de nouveau par vaporisation au laser CO2. Une transformation maligne a été enregistrée chez ces 25 patients 48 mois après le traitement laser initial avec un diagnostic de carcinome in situ. Le seul facteur statistiquement associé aux taux de récurrence ou de transformation maligne était le diagnostic histologique initial à savoir d’hyperplasie sans dysplasie.
Commentaire :
Au total, cette étude assoit le traitement de LOPM par vaporisation à l’aide d’un laser CO2. Elle contient bien d’autres résultats intéressants. On peut être surpris par le taux élevé de récurrence mais cela dépend probablement de la définition même de ce qu’est une récurrence. Est-ce une lésion du même type au même endroit après une période de rémission (auquel cas ce taux est faible) ou est-ce plus simplement une nouvelle LOPM pendant la période de suivi (auquel cas ce taux est plus important comme dans la présente étude). De plus, il faut noter que l’effectif est réduit (25 patients) et la durée de suivi moyenne est de 28.9 mois.