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Revue de littérature - Aout 2015

Revue de littérature aout 2015 – Pr Descroix

La musique adoucit les mœurs mais pas que…

Music as an aid for postoperative recovery in adults: a systematic review and meta-analysis. Hole J, Hirsch M, Ball E, Meads C. Lancet. 2015 Aug 12. pii: S0140-6736(15)60169-6. doi: 10.1016/S0140-6736(15)60169-6.

Résumé :

Jenny Hole du Queen Mary University de Londres nous offre dans la prestigieuse revue «The Lancet» une remarquable revue de littérature et méta-analyse sur l’évaluation de l’intérêt de la musique dans l’amélioration de la récupération post-opératoire en chirurgie chez l’adulte. Plus spécifiquement cette étude vise pour la première fois d’une part à évaluer les résultats concernant les caractéristiques chirurgicales post-opératoires (douleur, besoins d’analgésie, anxiété et durée du séjour), et d’autre part à identifier des sous-groupes pertinents (choix du patient de la musique, moment de l’intervention, anesthésie générale).

Parmi les 4261 articles ou résumés correspondant à la question posée, 72 études cliniques randomisées ont été sélectionné sur leur qualité méthodologique. La musique était choisi par le patient ou par les expérimentateurs, tous les styles de musique sont retrouvés avec préférentiellement des musiques apaisantes. La musique pouvait être diffusée à travers des oreillettes destinée uniquement au patient ou à travers des haut-parleurs pour l’ensemble des personnes du bloc opératoire. La musique était présente avant, pendant ou après l’intervention. Le comparateur dans les études pouvait être le silence, le bruit du bloc opératoire, un casque sans musique.

Les résultats concernant la douleur (mesurées par une EVA de 100 mm) montrent que la musique réduit les scores de douleur de 23 mm en moyenne, par rapport au placebo. Les résultats de l’anxiété (mesurées par STAI sur une échelle de 20-80) ont été réduits de 6,4 unités par rapport au placebo.

Points intéressants, l’effet sur la douleur et l’anxiété serait d’autant plus important que le patient à le choix du morceau (différence cependant non significative). De la même façon l’effet semble d’autant plus intéressant que la musique est jouée en préopératoire, puis en peropératoire et enfin en postopératoire. Enfin point très étonnant, la musique fait son effet antalgique et anxiolytique même chez les patients non conscients bénéficiant d’une anesthésie générale !!

Enfin découverte non négligeable, aucune des études incluses n’a rapporté d’effet secondaire. Cependant, le volume de la musique ne doit évidemment en aucun cas empêcher la communication peropératoire permis avec les équipes médicales.

Les résultats de cette étude peuvent s’expliquer assez facilement si l’on tient compte du fait que la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable. Ainsi en modulant par la musique l’aspect émotionnel il semble possible de moduler les aspects sensoriels. De la même façon, il est tout à fait possible que la musique module l’activité du système nerveux autonome et diminue ainsi la fréquence et les pulsations cardiaques ainsi que la fréquence respiratoire.

Finalement, la musique est une intervention non invasive, sûre et peu coûteuse qui peut être utilisé facilement et avec succès pour toutes les interventions chirurgicales. Les résultats de cette étude mettent clairement en évidence que la musique devrait être disponible pour tous les patients bénéficiant d’interventions opératoires. Les patients doivent être en mesure de choisir le type de musique qu’ils aimeraient entendre même lors d’une intervention sous anesthésie générale !

 

Traitement pharmacologique des douleurs neuropathiques de l’adulte : des recommandations à revoir !

Pharmacotherapy for neuropathic pain in adults: a systematic review and meta-analysis. Finnerup NB, Attal N, et al. . Lancet Neurol. 2015 Feb;14(2):162-73.

Résumé :

Nanna Finnerup, Nadine Attal et l’ensemble des membres du groupe des douleurs neuropahtiques de l’association internationale de l’étude de la douleur (Special Interest Group on Neuropathic Pain of International Association for the Study of Pain) ont publié une nouvelle revue systématique et méta-analyse portant sur l’évaluation des traitements pharmacologiques des douleurs neuropathiques. Cette étude publiée dans « The Lancet Neurology » a repris l’ensemble des études publiées sur le sujet depuis janvier 1966.

229 études ont été incluses dans la méta-analyse. L’analyse du biais de publication montre une surestimation de 10% des effets du traitement. Les études publiées dans des revues à comité de lecture ont rapporté des effets plus importants que les études non publiées. D’une façon générale, les résultats des différentes études étaient modestes. Les NNT (number nead to treat, le nombre de patient qu’il faut traiter pour observer une réduction de 50 % de la douleur chez au moins un patient) étaient de 6,4 (95% CI 5,2-8,4) pour les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, dont principalement la duloxétine (alias Cymbalta®); 7,7 (6,5-9,4) pour la prégabaline (alias Lyrica®); 7,2 (5,9-9,21) pour la gabapentine (alias Neurontin®), et 10,6 (7,4-19,0) pour la capsaïcine à forte concentration en patchs (alias Qutenza®). La valeur moyenne des NNT étaient plus faibles pour les antidépresseurs tricycliques, 3,6 (3,0 -4,4) (amitriptyline, alias Laroxyl®), les opioïdes forts, le tramadol 4,7 (3,6–6,7) et la toxine botulique A, et indéterminée pour les patchs de lidocaïne. L’évaluation qualitative des études a pu mettre en évidence une qualité finale du niveau de preuve modéré ou élevé pour tous les traitements en dehors de patchs de lidocaïne. Les valeurs concernant la tolérance et la sécurité étaient plus élevées pour les médicaments topiques. Enfin, le coût était plus faible pour les antidépresseurs tricycliques et le tramadol.

Ces résultats ont permis d’émettre une recommandation forte à la prescription de première intention dans la douleur neuropathique pour les antidépresseurs tricycliques, la prégabaline et la gabapentine, ce qui était déjà connu mais également pour les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (qui étaient jusqu’alors des traitements de seconde intention). Une recommandation faible pour l’utilisation des patchs de lidocaïne, les patchs de capsaïcine à forte concentration et le tramadol qui seront proposés en deuxième ligne. Enfin, les opioïdes forts et la toxine botulique A ne devraient être prescrit qu’en troisième intention. Les agents topiques et la toxine botulique A sont recommandés seulement pour les douleurs neuropathiques périphériques.

Les données de la littérature mettent clairement en évidence une réponse inadéquate aux traitements médicamenteux, ce qui constitue un important besoin non satisfait chez les patients souffrant de douleurs neuropathiques. L’efficacité modeste, de fortes réponses au placebo comme des critères diagnostiques hétérogènes représentent très probablement les raisons des résultats très modestes des essais et devraient être prises en compte dans les études futures.