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Revue de littérature - Octobre 2021

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Sauf preuve du contraire, c’est un cancer

Carcinome épidermoïde oral autour de l’implant dentaire : revue systématique. Cabral Ramos et al., Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol 2021;131:660_674

Le carcinome épidermoïde (CE) représente la majorité des sous-types histologiques des cancers de la cavité buccale et possède un mauvais pronostic. La similitude entre le CE, qui peut revêtir différentes formes cliniques, et les lésions bénignes dans les régions péri-implantaires peut être un facteur confondant majeur pour le clinicien. Le but de cette revue systématique est de caractériser le profil épidémiologique, dépister les facteurs de risque possiblement impliqués et évaluer les caractéristiques cliniques du CE oral autour des implants dentaires.

Les critères d’inclusion sont basés sur l’approche PECOS avec : P les patients atteints d’un CE autour d’implants dentaires ; E autour des implants dentaires ; C les patients atteints d’un CE sans implant dentaire ; O épidémiologie et carcinogenèse ; S rapport de cas, série de cas, étude rétrospective sans restriction de langue ou de temps. Ont été exclus les rapports de cas et études rétrospectives avec des patients atteints de tumeurs bénignes, de métastases ou autres néoplasies que le CE et les patients sans implant dentaire atteints de CE, les revues, lettres à éditeur, opinions d’expert, chapitres d’ouvrage, conférences, résumes, posters, brevets et études cliniques. L’identification des articles a été réalisé sur Embase, Scopus et PubMed avec comme MeSH term (« Squamous cell carcinomas » OR « mouth neoplasms ») AND (« dental implant » OR « peri-implantitis »).

Trente trois études dont 31 rapports de cas et 2 études rétrospectives ont été incluses. Au total, l’échantillon est composé de 63 patients, avec une majorité de femmes (55,5%), et d’âge moyen 66,7 ans. Cinquante six cas de CE oral autour des implants dentaires étaient situés à la mandibule (88,8%), 7 cas au maxillaire (7,9%) et 2 sur le bord latéral de la langue en contact avec des implants posés à la mandibule (3,1%). La forme clinique la plus fréquente étaient une masse exophytique (46%), suivie d’une ulcération (36,5%). Des antécédents de cancer oral ont été retrouvés chez 23 patients (36,5%). Trente et un patients n’avaient pas d’antécédent éthylo-tabagique (49,2%) ; 15,8% avaient une double intoxication. L’intervalle de temps entre la mise en place de l’implant dentaire et le diagnostic du CE oral variait de 5 mois à 15 ans, avec une moyenne de 4,5 ans. La péri-implantite était la principale hypothèse clinique et a été rapportée chez 16 patients (25,3%).

En plus de la synergie tabac/alcool, d’autres facteurs étiologiques seraient potentiellement impliqués dans la carcinogenèse, tels que l’inflammation chronique, ou un traumatisme répété des tissus mous. De plus, la libération des particules de titane dans les tissus péri-implantaires est assez courante. Ses particules de titane induisent une altération des cellules épithéliales buccales, processus contribuant à la perturbation de l’homéostasie épithéliale et donc compromettant potentiellement la barrière épithéliale buccale. Schache et al. ont suggéré, après analyse microscopique, que les implants peuvent faciliter la propagation des cellules malignes d’un CE oral à l’os à travers l’interface implant/tissus péri-implantaires. L’invasion osseuse chez les patients dentés n’a été signalée que dans les lésions étendues, ce qui sous-entend que les tissus parodontaux peuvent être une barrière naturelle contre la progression tumorale, ralentissant l’infiltration osseuse. 69,8 % des cas signalés dans cette revue systématique présentaient des signes de perte osseuse autour des implants dentaires, ce qui peut suggérer que les implants dentaires et les lésions associées peuvent fournir un environnement favorable pour la progression osseuse plus rapide du CE oral.

En conclusion, la plupart des patients atteints de CE oral autour des implants dentaires étaient des femmes sans facteurs de risque connus. Ces lésions présentent des caractéristiques cliniques et radiographiques pouvant ressembler à une péri-implantite, conduisant à un retard dans le diagnostic et le traitement ultérieur. Le CE autour des implants dentaires semble faire partie du spectre des classiques et doit être suspecté en présence de lésions buccales persistantes.

Equipe de chirurgie orale
UBO Brest –CHU Brest