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Revue de littérature - Mars 2021

Leucoplasies : Une étude sur le risque de transformation maligne et la décision de biopsier

Les cancers de la cavité buccale représentent la localisation la plus fréquente des cancers des voies aéro-digestives supérieures avec une incidence mondiale de 250 000 cas par an. Ces cancers sont à 90% des carcinomes épidermoïdes qui se développent le plus souvent de novo.
Mais parfois, ce cancer peut résulter de lésions à risque de transformation maligne.
Les leucoplasies sont les lésions buccales potentiellement malignes les plus communes.
Leur définition proposée en 2007 a été confirmée très récemment en 2020 :

« Le terme de leucoplasie doit être utilisé pour définir une lésion à prédominance blanche présentant un risque discutable de transformation maligne après exclusion de toutes les affections ne présentant pas de risque de cancérisation.» (1)

Le centre collaborateur de l’OMS pour les cancers de la cavité buccale dont émane cette définition a proposé les critères à considérer pour un diagnostic clinique de leucoplasie :

1/ plage, plaque blanche qui ne peut être retirée au grattage

2/ Lésion circonscrites à bords bien délimités pour les leucoplasies homogènes

3/ Les leucoplasies non homogènes présentent typiquement des bords plus diffus, mal délimités et pouvant être associés à des aspects nodulaires +/- érythémateux.

4/ Absence de signes évidents d’irritation chronique

5/ Lésion persistante et non réversible par élimination d’une cause apparente de traumatisme

(1) Oral potentially malignant disorders : A consensus report from an international seminar on nomenclature and classification convened by the WHO Collaborating Centre for Oral Cancer (Warnakulasuriya S and Al ; Oral Diseases,2020 ;00 :1)

Mais les leucoplasies sont encore assez mal caractérisées, notamment sur leur taux de transformation maligne. Les indications de biopsie, la fréquence du suivi clinique nécessaire ne font pas l’objet de consensus. Cette étude tente de réponse à ces différentes questions.

Chaturvedi AK, Udaltsova N, Engels EA, Katzel JA, Yanik EL, Katki HA, Lingen MW, Silverberg MJ.J Natl Cancer Inst. 2020 Oct 1;112(10):1047-1054. Oral Leukoplakia and Risk of progression to Oral Cancer: A Population- Based Cohort study.

    Cette étude a été réalisée en Californie grâce aux données de dossiers médicaux enregistrés par un système de soins informatisé qui regroupe environ 30% des patients assurés. Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective, dont les objectifs étaient :

1/ estimer les risques à court terme et long terme de transformation maligne des leucoplasies

2/ mettre en évidence un lien entre grade de la dysplasie et risque de transformation maligne

3/ étudier la valeur de la décision des praticiens à biopsier ces lésions.

Dans cette étude, ont été inclus 4886 patients avec une leucoplasie diagnostiquée cliniquement. Ces patients avaient une moyenne d’âge de 58 ans et 40% étaient fumeurs. Seulement 38% des leucoplasies ont été biopsiées.
Le suivi de 5 ans de ces patients a permis de montrer que 3,2% d’entre eux ont développé un carcinome. L’incidence de ces carcinomes est significativement plus élevée dans cette population comparée à la population générale. La moitié de ces cancers sont survenus rapidement lors de la 1ère année après le diagnostic de leucoplasie. Les résultat montrent également que 40% des cancers diagnostiqués n’avaient pas fait l’objet d’une biopsie préalable.
Les résultats supplémentaires s’intéressant uniquement aux lésions biopsiées mettent en évidence que le site prédominant des leucoplasies est la langue (40%), puis la gencive (20%) et les lèvres (11%). Le risque de transformation maligne est élevé pour tous les stades de dysplasie (légère, modérée, sévère) et augmente statistiquement avec le grade la dysplasie.

Commentaire :

Cette étude, qui présente l’intérêt d’avoir inclus un très grand nombre de patients en combinant données démographiques, histologiques et anatomiques, avec un suivi de plusieurs années, confirme le sur-risque de développer un carcinome à partir d’une leucoplasie.
Ce risque parait très important dans la première année qui suit le diagnostic clinique de la leucoplasie. La question du suivi de ces lésions par le praticien est donc cruciale. Les contrôles pourraient être proposés à raison de deux fois par an pour toute leucoplasie diagnostiquée.
La décision de biopsier ou non n’était fondée uniquement que sur une appréciation clinique des cliniciens. Cette attitude ne s’est pas révélée adéquate puisque de très nombreuses lésions non biopsiées ont eu une évolution maligne. Il faut donc conclure à la nécessité des biopsies systématiques et répétées devant toute leucoplasie.
L’étape suivante consisterait à déterminer quels traitements adopter en fonction des différents grades de dysplasie.

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