L’améloblastome est une tumeur odontogénique d’origine épithéliale, bénigne mais agressive avec une forte tendance à la récidive. Se développant essentiellement au sein de la mandibule, l’améloblastome peut atteindre une taille très importante au dépend de l’invasion des structures loco-régionales. L’extension intracrânienne (base du crâne, sinus, fosses infra temporale et ptérygopalatine, espace parapharyngée et orbites) est rare mais gravissime car elle engage le pronostic vital. Il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus de prise en charge pour ces patients.
Armocida D. Berra LV. Pucci R. & al, Ameloblastoma and Intracranial Involvement : The Current Challenge of The Radical Surgical Treatment. Comprehensive Review f the Literature and Institution experience, J. Maxillo-faciale. Oral Surg. (Jan-Mar 2022) 21 (1) : 34-43
L’objectif de cette revue systématique est de fournir une analyse qualitative de la littérature de tous les cas d’améloblastome d’extension intracrânienne, pour en dégager les caractéristiques cliniques communes et les prises en charges chirurgicales proposées. Il est également présenté le cas d’une femme de 56 ans atteint d’un améloblastome maxillaire gauche récurrent avec extension aux fosses crâniennes antérieure et moyenne.
Cette revue de littérature a recherché les articles disponibles dans MEDLINE, NIH Library, PubMed et Google Scholar et a été menée en accord avec les directives PRISMA. Initialement, seuls les articles anglophones ont été inclus. Puis devant la rareté des cas d’extension intracrânienne rapportés, la recherche a été étendue à tous les articles indépendamment de la langue d’écriture.
Les données de 23 études rapportant les cas de 32 patients ont été extraites. En ajoutant le cas présenté par la revue elle-même, c’est au total 33 cas qui ont été analysés dont 18 hommes et 15 femmes d’une moyenne d’âge de 50 ans et sans prédominance ethnique particulière (Africains 14,3%, Asiatiques 32,1%, Caucasiens 53,6%).
La localisation de la tumeur à l’origine était majoritairement maxillaire (chez 23 patients sur 33 soit 69,7%) puis mandibulaire (chez 9 patients sur 33 soit 27,3%) et osseuse nasale chez 1 seul patient. L’histologie des tumeurs n’était disponible que chez 19 patients ; l’améloblastome folliculaire était la forme la plus fréquente présentée par 9 patients (47,4%) suivi par les améloblastomes mixte et plexiforme (4 patients, 21,1% respectivement) et par les améloblastomes papillaire et à cellules fusiformes (1 patient respectivement).
Avant le diagnostic radiographique de l’extension intracrânienne de la tumeur, 27 patients sur 33 (81,8%) avaient déjà rapporté une récidive locale. Le site intracrânien le plus fréquemment envahi était l’orbite (15/33, 48,4%) suivi par les fosses crâniennes antérieure et moyenne (9/33, 29% respectivement). Le temps moyen estimé avant la détection de l’extension intracrânienne était de 10 ans. Le traitement chirurgical réalisé était rapporté pour 31 patients parmi lesquels 23 (74,2%) ont eu une résection totale et 8 (34,8%) seulement une biopsie pour établir un diagnostic de certitude. Les raisons rapportées pour l’alternative biopsique étaient l’incertitude diagnostique, l’état général du patient ou son souhait. En post-opératoire, 13 patients sur 31 ont eu une récidive au site de l’intervention et 15 sur 31 ont survécu (48,4%).
Commentaire
Les facteurs de risques identifiés d’une implication crânienne sont le volume de la lésion initiale, le site (os maxillaire et sa texture spongieuse), le diagnostic tardif de la tumeur, les récurrences multiples, une résection chirurgicale insuffisante, un antécédent de traitement par radiothérapie/chimiothérapie, et le type histologique plexiforme. Cette revue de littérature souligne l’importance d’un traitement chirurgical primaire radical, ainsi que d’un suivi neuroradiologique rapproché, similaire à celui d’une pathologie maligne. Le suivi doit être d’autant plus rigoureux que l’améloblastome présente une récurrence (même locale), que la maxillaire est impliqué (avec proximité des fosses crâniennes), et que le type histologique folliculaire est retrouvé.
Les auteurs insistent sur le manque de données complètes sur les améloblastomes avec extension intra-crânienne dans la littérature. En effet, les prises en charges sont variables et peu décrites. Il est donc difficile de formaliser les indications de traitement.
Marie Mercurio et Markha Zairakhanov, Interne DESCO Montpellier