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Revue de littérature - Janvier 2022

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LESIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE LIEES A LA COVID-19 : QUE SAIT-ON ?

COVID-19-related oral mucosa lesions among confirmed SARS-CoV-2 patients: a systematic review
Gizem S. Erbas, Aysenur Botsali,N ihan Erden, Canan Arı, Banu Taskın, Sibel Alper, Secil Vural

International Journal of Dermatology . 2022 Jan;61(1):20-32.
doi: 10.1111/ijd.15889

Cet article propose une étude de la littérature internationale, calibrée. L’objectif est de synthétiser les rapports de cas concernant les manifestations buccales, en plus particulièrement muqueuses, de l’infection par le SARS-CoV2.

L’équipe qui signe cet article est une équipe de dermatologues, avec une double nationalité allemande et turque.

La méthodologie est robuste puisqu’il s’agit d’une revue systématique selon les critères PRISMA (PRISMA : Preferred Reporting Items for Systematic reviews and Meta-Analyses ; pour plus d’informations concernant la méthodologie PRISMA, nous vous conseillons de vous reporter au site web dédié : http://prisma-statement/org).

Depuis le début de la pandémie, de nombreux articles se sont intéressés aux manifestations buccales de l’infection par le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2). Comme chacun sait, ce virus est responsable de la maladie à coronavirus 2019, également appelée maladie COVID-19. Les signes cliniques de cette affection sont polymorphes, pour ce que l’on en sait à présent. L’infection se manifeste souvent comme une grippe avec comme principale cible, le système respiratoire. Plusieurs organes peuvent être affectés, dont le système gastro-intestinal, le système nerveux central, le système cardiovasculaire, les tissus de recouvrement dont la peau et les muqueuses.

Il est vrai que la grande contagiosité de ce virus aéroporté, ainsi que le taux de mortalité élevé, en particulier dans les premiers mois de la pandémie, en l’absence de vaccination, ont limité l’examen systématique de la cavité buccale chez les patients contaminés. Néanmoins, plusieurs articles rapportent des cas et des séries de cas qui semblent indiquer que des modifications de la muqueuse buccale peuvent accompagner voire précéder les signes cliniques respiratoires. Des infections concomitantes ont été décrites telles que des infections par le virus herpès, des candidoses, …

Dans cette revue systématique, les auteurs ont collecté, synthétisé et analysé des données issues de la littérature internationale, en interrogeant différentes banques de données : PubMed, Scopus, Google Scholar et Medline, jusqu’au 10 avril 2021. Les rapports de cas et les séries de cas présentant des lésions de la muqueuse buccale ET une COVID 19 concomitante, ont été retenus pour analyse.
Les mots clés utilisés sont les suivants : “oral mucosa,” “oral lesions,”, “mucocutaneous,” “gingiva,” “tongue,” « Kawasaki-like,” associés à “SARS-CoV-2” or “Covid-19” or “Coronavirus 19.”
Le diagnostic de COVID 19 devait être confirmé par analyse PCR ou par la présence d’anticorps IgG/IgM dans le sérum des patients.
De plus, les cas d’infections concomitantes (herpès, candidoses, autre infection bactérienne), les lésions pouvant être rattachées à une iatrogénie médicamenteuse, les traumatismes de la muqueuse liés à l’intubation, ont été exclus.

La sélection des articles a été effectuée par 2 auteurs différents, de manière indépendante. En cas de non concordance dans la sélection, l’analyse par un troisième auteur permettait de retenir ou non l’article.
Au total, la recherche initiale a retenu 5685 références ; après examens des titres et résumés, analyse des critères d’inclusion retenus, 39 articles sont finalement étudiés et compilés. Ces articles permettent un cumul de 59 cas, 24 femmes et 35 hommes, d’âge variant entre 4 mois et 83 ans.
Des lésions cutanées associées sont présentes chez 40 patients.
Les lésions de la muqueuse buccale ont été regroupées en 3 catégories (certains patients appartiennent à plusieurs catégories) :

Syndrome « Kawasaki-like » : au niveau de la cavité buccale, il se manifeste par des lèvres fissurées, sèches, la présence d’une chéilite avec ou sans érythème des muqueuses buccales. 29 cas ont été retrouvés. Parmi ces patients, 28 présentaient une hyperthermie associée, 27 patients avaient des lésions cutanées. C’est dans ce groupe qu’ont été retrouvés les patients les plus jeunes.
Ulcérations de la muqueuse buccale : aphtoïdes, herpétiformes, multiples, uniques, nécrosantes. Cela concernait 24 patients, d’un âge médian de 39 ans. La douleur était le signe fonctionnel le plus fréquemment rapporté, la localisation linguale était majoritaire. Des lésions cutanées concomitantes étaient présentes chez 7 patients, une dysgueusie/anosmie était signalée dans la moitié des cas.
Diverses : ce groupe rassemble des formes cliniques hétérogènes : macules, papules, pustules, bulles

Discussion
Des lésions de la muqueuse buccale et des cas de dysgueusie ont été rapportés dans la littérature, depuis le début de la pandémie. Néanmoins, à ce jour, aucune lésion de la muqueuse n’est réellement pathognomonique de l’infection par les CoV-2, on ignore à quel stade de la maladie, les lésions muqueuses apparaissent. La corrélation entre « lésions de la muqueuse buccale » et « sévérité » de la maladie n’est pas documentée.

Probablement, les lésions muqueuses sont dues au virus CoV-2 lui-même, mais également à d’autres infections concomitantes telles que l’infection herpétique ou candidosique. Des lésions muqueuses sont également directement liées au statut immunitaire général du patient, au stress physique et psychologique engendré par la maladie.

Pour certains auteurs, la fréquence des lésions de la muqueuse buccale est comparable à celle des lésions cutanées.

Le SARS-CoV-2 utilise l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) comme récepteur cellulaire principal afin de pénétrer dans la cellule hôte. La localisation ubiquitaire d’ACE2, notamment alvéolaire, cardiaque, rénale, et digestive peut expliquer les complications observées au cours du COVID-19, notamment certaines lésions de la muqueuse buccale.

Lors d’une maladie COVID-19, la réponse immunitaire peut être inadaptée et excessive. Certains auteurs avancent que cet état pourrait favoriser l’apparition d’aphtes via une réponse exagérée des lymphocytes T helper, et un orage cytokinique. De même, la coagulopathie induite, chez certains patients, lors de la maladie COVID-19, pourrait être à l’origine d’ulcérations ischémiques, de la muqueuse buccale.

Cette revue systématique, bien que réalisée avec une méthodologie sérieuse et très encadrée, présente un niveau de preuve faible. L’échantillon de patients est de petite taille, ce qui peut entraîner des biais.

En comparaison avec le nombre de cas de COVID-19 dans le monde, le nombre de cas présentant des lésions buccales est faiblement rapporté dans la littérature. Il est, de fait, difficile de conclure.

Le chirurgien-dentiste reste en première ligne dans l’identification des lésions buccales.