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Revue de littérature - Février 2021

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Tabac et implantologie : la réduction de consommation a-t-elle un intérêt par rapport à un sevrage complet ?

Les taux de succès en implantologie dentaire sont aujourd’hui très élevés, et certains facteurs de risque de complications et d’échecs sont bien identifiés. Ainsi, de nombreuses études cliniques ont montré que les principaux facteurs défavorables en implantologie étaient liés à l’anatomie (faible qualité et volume osseux), au matériel (implants, matériaux de comblement osseux) aux techniques employées (greffes osseuses), à des pathologies médicales (diabète) ou encore à l’environnement (tabagisme).

Le tabagisme est aujourd’hui reconnu comme facteur de risque de l’initiation et du développement de la plupart des pathologies bucco-dentaires. Dans le domaine de l’implantologie, on sait que le tabac est responsable de retards de cicatrisation ou de certains échecs précoces d’ostointégration, et que les complications à plus long terme (péri-implantites) sont également plus fréquentes chez les patients fumeurs. Ainsi, on sait aujourd’hui que le risque relatif d’échec implantaire chez le patient fumeur est multiplié environ par 2 : en effet, dans une méta-analyse comparant les taux de succès implantaire chez les patients fumeurs ou non-fumeurs, Chrcanovic et coll. ont montré que le taux de succès implantaire passait de 96,82% à 93,65%, respectivement et que cette différence était significative (Chrcanovic et al J Dent 2015 ;43(5) :487-98). Notons au passage qu’un taux de succès de 93% reste très satisfaisant pour une procédure chirurgicale !

Si le sevrage tabagique complet est souvent préconisé au début d’un traitement implantaire, on peut se demander si un sevrage temporaire ou bien une diminution de consommation pourraient avoir un intérêt dans ce contexte ? Ainsi, une étude récente fait le lien entre la dose de tabac fumé et la fréquence des échecs implantaires.

Levels of smoking and dental implants failure: A systematic review and meta-analysis Naseri R et al. J Clin Periodontol. 2020;47:518–528 (Impact de la quantité de tabac fumé sur les échecs implantaires : Revue Systématique de la littérature et méta-analyse)

L’objectif de cette étude était d’évaluer s’il existait une relation entre la quantité de tabac fumé et le risque d’échec implantaire. Les auteurs cherchaient à déterminer s’il existait un risque augmenté d’échecs implantaires chez les patients dits « gros fumeurs » par rapport au patients dits « fumeurs légers ». En effet, la possible association entre le nombre de cigarettes fumées et les échecs implantaires n’avait pas été démontrée précédemment.

Les auteurs ont réalisé une revue systématique de la littérature et une méta-analyse. Plusieurs bases de données ont été consultées jusqu’à 2019 (Pubmed, Embase, Web of Science et Scopus) avec des mots clés spécifiques (dental implant, oral implant, smoking, smoker, tobacco, nicotine and non-smoker), afin d’identifier les articles traitant des échecs implantaires en rapport avec le tabagisme. Seuls les articles mentionnant le nombre de cigarettes fumées par jour ont été inclus dans l’étude.

Au total, 23 articles ont été retenus et analysés. Selon leur méthodologie, les articles étaient classés en plusieurs groupes d’analyse (non fumeurs ; < ou > 10 cig/jour ; < ou > 15 cig/jour ; < ou > 20 cig/jour). Globalement, les résultats ont montré une augmentation significative du risque relatif d’échec implantaire chez les patients fumant plus de 20 cigarettes par jour, en comparaison avec les non-fumeurs. Les résultats étaient similaires dans le cas où l’approche était basée sur les patients ou bien sur les implants. Le risque d’échec implantaire lié au tabagisme semble donc augmenter régulièrement avec la quantité de tabac fumé par jour. Ce risque est particulièrement significatif à partir d’un paquet par jour.

Commentaire

Les résultats de cette étude sont cohérents avec d’autres études et ils montrent que comme pour d’autres organes, les complications du tabagisme semblent plus sévères lorsque la consommation est plus importante.
Ce travail vient s‘ajouter aux données existantes sur l’implication du tabac dans l’apparition et l’aggravation des pathologies bucco-dentaires.
Dans la mesure où la fréquence des échecs est plus faible lorsque la consommation est réduite, on peut penser que la diminution de consommation peut être un objectif pour certains patients qui ne sont pas prêts à un sevrage complet avant un traitement implantaire. De plus, cette diminution de consommation est souvent une étape nécessaire avant un sevrage complet.
Toutes ces données viennent renforcer le rôle du chirurgien dentiste dans l’incitation, la mise en place et l’accompagnement au sevrage tabagique à tous les stades des soins dentaires, et dans un cadre plus large de promotion de la santé.

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