Revue de littérature SFCO février 2020. Pr. S. Boisramé
The disease of Sigmund Freud: oral cancer or cocaine-induced lesion?
Trimarchi M, Bertazzoni G, Bussi M. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2019 Jan;276(1):263-265
Résumé :
Dans la nuit du 23 septembre 1939, Sigmund Freud (1856-1939), père de la psychanalyse moderne, mourrait des suites d’un cancer du maxillaire à Londres où il s’était exilé depuis son départ d’Autriche en 1938.
Quatre-vingt ans après, est publié dans European Archives of otorhinolaryngology un article remettant en cause l’origine de sa maladie à savoir cancer ou lésion induite par la cocaïne ? En effet, Trimarchi et al. émettent un doute devant la lente évolution de cette tumeur maligne qui a évolué durant 16 ans malgré de nombreuses interventions chirurgicales associées à une radiothérapie cervico-faciale.
Cet article et l’hypothèse émises sont intéressantes. Le tabac et la cocaïne sont tous deux responsables de lésions orales. Sigmund Freud était un gros fumeur de cigares et un fervent défenseur et consommateur de cocaïne durant les années 1890. D’ailleurs, en 1884, S. Freud a publié « Über coca » où il décrivait, pour l’avoir testé, les propriétés pharmacologiques de la cocaïne (potentialité analgésique, pouvoir anesthésiant, capacité à changer l’humeur). Sous les conseils d’un ami Fliess, il l’a utilisée pour traiter sa sinusite chronique. Les érosions et inflammations des muqueuses causées par la cocaïne peuvent imiter le développement d’un carcinome. C’est la raison pour laquelle les auteurs émettent cette hypothèse d’un effet nécrosant et destructeur des tissus muqueux de la consommation de cocaïne.
Cependant, le mois suivant la parution de cet article, une réponse à cet article est effectuée par un auteur allemand et un auteur italien dans la même revue (2) et fait appel à un autre article écrit par ces derniers dans la même revue en 2014 (3).
Selon ces derniers auteurs, Trimarchi M. et al. ne tiennent pas compte que la maladie buccale de Sigmund Freud, gros fumeur, était bel et bien un carcinome épidermoïde sous sa forme verruqueuse histologiquement prouvé à plusieurs reprises.
Historiquement, il a consulté en 1923 pour une ulcération située au niveau de la jonction palais mou palais dur à droite. Puis il a été opéré par Markus Jajek, chirurgien ORL de Vienne. Il eut ensuite une radiothérapie. A l’issue, il souffrait de douleurs intenses et d’un trismus. En septembre de la même année, il a contacté Hans Pichler, un chirurgien oral, qui a effectué une deuxième chirurgie en deux étapes. Il a réalisé une maxillectomie partielle avec exerese d’une partie de la mandibule et de la glande sous-maxillaire droite associée à un curage cervical droit. L’examen histologique des adénopathies n’a pas permis d’identifier la malignité.
Jusqu’à sa mort en 1939, pas moins de 34 interventions chirurgicales ont été effectuées sans exerese complète de ce carcinome épidermoïde. La fin de vie de S.Freud a été douloureuse avec la persistance de son cancer associée à des douleurs difficilement soulagées, une odeur nauséabonde, une fistule orocutanée a finalement pris fin avec une surdose de morphine.
Cet article a permis par son hypothèse de se replonger dans l’histoire de vie de Sigmund Freud et a montré que l’évolution prolongée de son cancer correspondent à une variante de carcinome épidermoïde à savoir un carcinome verruqueux de bas grade bien différencié qui reste un dilemme dans la prise en charge.
2) Teymoortash A, Ferlito A. Oral cancer of Sigmund Freud. Eur Arch Otorhinolaryngol 2019 276: 921
3) Teymoortash A, Silver CE, Rinaldo A, Cardesa A, Folz BJ, Ferlito A. Verrucous carcinoma: a retrospective diagnosis in three historic patients. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2014 Apr;271(4):631-3.
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Predicted prevalence of oral human papillomavirus (HPV) by periodontitis status and HPV vaccination status
McDaniel JT, Davis JM, McDermott RJ, Maxfield I, Kapatamoyo K.. J Public Health Dent. 2020 Jan 28.
Résumé :
Depuis plusieurs années, de nombreux auteurs ont rapporté une forte association entre HPV et carcinome épidermoïde oral, plus particulièrement en regard de l’anneau de Waldeyer. Certaines études ont montré que HPV16 représentait 85% de tous les carcinomes épidermoïdes des VADS positifs pour le HPV. Une mauvaise hygiène bucco-dentaire combinée à un système immunitaire défaillant réduit la capacité à combattre les bactéries orales potentiellement pathogènes, les virus et champignons présents. Le vaccin contre HPV disponible pour la première fois en 2006, a été le vaccin prophylactique de choix tout sexe confondu et les études expérimentales ont montré d’une part que le vaccin peut prévenir 90% des infections HPV et d’autre part que la prévalence du HPV 16/18/6/11 était significativement plus faible chez les individus vaccinés par rapport aux non vaccinés. Cependant, personne n’a évalué si la présence d’une parodontite pouvait modifier la prévalence orale du HPV16 / 18/6/11.
Le but de cette étude a été d’examiner les différences de prévalence du virus chez les adultes en fonction du statut de vaccination contre HPV et du statut de la parodontite.
Des données de 2011 à 2012 et de 2013 à 2014 ont été récupérées pour les enquêtes nationales (n = 822) afin de prédire la prévalence orale du HPV dans 24 groupes démographiques distincts (âge par sexe et par race) sur la base des caractéristiques suivantes : statut de vaccination contre HPV et statut de la parodontite. Un modèle de régression logistique multiple, contrôlant le sexe, l’âge, la race, le tabagisme, la consommation d’alcool et les partenaires sexuels, a été calculé afin de générer des estimations de prévalence.
Que ce soit sur les données 2011-2012 ou 2013-2014, les taux médians de prévalence du HPV au niveau oral étaient les plus élevés chez les individus non vaccinés atteints de parodontite suivis des individus non vaccinés sans parodontite puis chez les individus vaccinés avec parodontite et enfin chez les individus vaccinés sans parodontite.
Cette étude met en exergue l’importance de la transversalité entre les différentes équipes médico-chirurgicales. En effet, les mesures préventives vis à vis des parodontites et du recours à la vaccination contre le VPH peuvent entraîner une diminution de la prévalence orale du HPV et le développement ultérieur de carcinome épidermoïde des VDS.
Les praticiens de santé orale doivent envisager de discuter de la nécessité de vaccinations contre le HPV chez tous les enfants de 10 à 13 ans avec leurs représentants légaux et de leur fournir des informations sur la nécessité d’un bon état parodontal et dentaire au long cours ceci, afin de réaliser une prévention active pour limiter les CE associés au HPV. Ces soins primaires sont nécessaires, compte tenu du risque accru du HPV oral chez les personnes non vaccinées atteintes de parodontite.