SFCO

Revue de littérature - Octobre 2014

Dr Cédric. MAUPRIVEZ

Implants dentaires en territoire irradié.

Schiegnitz E, Al-Nawas B, Kämmerer PW, Grötz KA.

Oral rehabilitation with dental implants in irradiated patients : a meta-analysis on implant survival.

Clin Oral Invest 2014; 18: 687-698.

Résumé :

Le but de cette revue de la littérature était d’établir des recommandations sur la possibilité ou non de proposer une solution implantaire chez des patients ayant bénéficiés d’une irradiation cervico-faciale.

Une méta-analyse comparant la survie de l’implant chez des patients irradiés versus non irradiés a été réalisée. Une recherche électronique a été réalisée dans la base de données Medline pour des articles publiés entre Janvier 1990 et Janvier 2013 pour déterminer le taux de survie donné des implants chez les patients atteints d’un cancer des VADS ayant bénéficiés d’une radiothérapie externe de la tête et du cou.

Seules les études avec un suivi moyen d’au moins 5 ans ont été incluses. Sur 529 articles sélectionnés, les auteurs ont inclus 31 études. Le taux de survie des implants moyen calculé à partir des études examinées était de 83% (intervalle de 34% à 100%). Cette méta-analyse de la littérature actuelle (entre 2007 à 2013) a révélé une absence de différence statistiquement significative du taux de survie implantaire entre une implantation en os natif avant irradiation et après irradiation (odds ratio [OR], 1,44; intervalle de confiance à 95% [IC], 0,67 à 3,1). En revanche, après irradiation, le taux de survie implantaire est sensiblement plus élevé dans un os natif comparativement à un os greffé ([OR], 1,82; [IC], 1,14 à 2,90)

Dans les limites de cette méta-analytique, cette étude indique pour la première fois que chez des patients atteints d’un cancer des VADS, le taux de survie implantaire était comparable en zone irradié et non irradié a niveau de l’os natif

Commentaire :

La pose d’’implant dentaire dans un os irradié est toujours controversée. Pour certains, l’irradiation est une contre-indication formelle, pour d’autres l’implantation est faisable avec un taux de complications acceptable. L’analyse des articles actuellement disponibles indique que le taux d’ostéo-intégration en os irradié varie de 46,3 à 98% selon les études. Le taux de succès des implants en milieu irradié est donc inférieur à celui d’implants en zone non irradié ou chez des patients non irradiés, mais le pronostic reste bon. Le risque d’ostéonécrose des maxillaires qui touche en priorité la mandibule, est la complication grave la plus redoutée, son estimation varie de 1,6 à 12% selon les études. Ces complications ne doivent pas être mésestimées. Elles doivent être prévenues avec des protocoles de prise en charge adaptés et ne représentent pas une contre-indication formelle à la mise en place d’implant dentaire en terrioire irradié. L’implantation en milieu irradié est donc possible, avec des risques limités, même si elle est difficile au regard des séquelles de la radiothérapie au niveau des tissus mous (abord chirurgical étroit en raison de la limitation de l’ouverture buccale, fibrose sous-muqueuse et de la xérostomie).

Les antibiotiques diminuent-ils le taux d’échec implantaire et d’infections post-opératoires ?

J. Ata-Ali, F. Ata-Ali, F. Ata-Ali: Do antibiotics decrease implant failure and postoperative infections? A systematic review and meta-analysis. Int. J. Oral Maxillofac. Surg. 2014 ;43: 68–74.

Résumé

Cette méta-analyse récente propose la prescription d’une antibiothérapie prophylactique avant la mise en place d’implant dentaire dans le but de réduire le taux d’échec implantaire

Elle repose sur quatre essais cliniques randomisés par rapport à un groupe témoin (patient ne recevant pas d’antibiotique ou un placebo). Eposito et coll., 2008 et 2010 ; Abu Ta ‘a et coll., 2008 et Caiazzo et coll., 2011. L’ensemble des essais a regroupé un nombre total de 1002 patients avec un total de 2063 implants dentaires.

Les résultats de cette méta-analyse montre que l’utilisation des antibiotiques en pré-opératoire seul ou poursuivit en post-opératoire (pendant 2 à 7 jours) permet de réduire de façon significative le taux d’échec implantaire (p=0.003) avec un odds ratio de 0.331 correspondant à une réduction du taux d’échec implantaire de 66,9%. Le nombre nécessaire de patients à traiter pour éviter un échec implantaire est de 48 (intervalle de confiance à 95% : 31-109). En revanche, l’utilisation d’antibiotiques n’a pas réduit de façon significative l’incidence de l’infection postopératoire (p=0.754).

Commentaire :

Aucun de ces quatre essais cliniques ne permet individuellement de mettre en évidence de différence significative entre les groupes test et contrôle pour aucun des paramètres mesurés (infection du site opératoire, échec implantaire précoce). En revanche, la compilation des résultats permet de suppléer le manque de puissance de ces essais et de montrer l’intérêt d’une antibiothérapie prophylactique lors de la mise en place d’implant dans la réduction du taux d’échec implant, comparativement aux groupes contrôles (patient ne recevant pas d’antibiotique ou un placebo)

La conclusion de cette méta-analyse étant en faveur d’une utilisation systématique d’antibiotique en cas de pose d’implant est donc en contradiction avec les recommandations de l’Afssaps de 2011 concernant la prescription des antibiotiques en pratique bucco-dentaire. Parmi les quatre études sélectionnées dans cette méta-analyse, trois d’entre-elles figuraient déjà parmi celles retenues pour grader la recommandation sur l’antibiothérapie prophylactique en chirurgie implantaire. L’étude d’Anuita et coll., 2009 a été exclue dans cette méta-analyse car les implants étaient systématiquement humidifiés avec du PRGF pour plasma rich growth factor, avant implantation. En revanche, l’étude de Caiazzo et coll., 2011, postérieure aux recommandations a été retenue. Le but de cette étude était de définir la modalité optimale d’amoxicilline en chirurgie implantaire. Cent patients ont été randomisés en ‘ groupes différents : (1) amoxicilline 2g 1heure avant la chirurgie, (2) amoxicilline 2g 1heure avant la chirurgie et 1g deux fois par jour en postopératoire pendant 7 jours, (3) amoxicilline 1g deux fois par jour en postopératoire pendant 7 jours, (4) pas de prise d’antibiotique. Au moment du 2ème temps chirurgical, 2 échecs implantaires sur 148 implants posés sont rapportés dans le seul groupe sans antibiotique.

L’analyse de l’ensemble des études disponibles aujourd’hui indique que :

– seule une molécule a été évaluée : l’amoxicilline, quid en cas d’allergie aux β-lactamines, aucune donnée sur la clindamycine dans cette indication ;

– l’échec implantaire précoce est un évènement rare, que ce soit avec ou sans antibiothérapie prophylactique. En moyenne, 5% des patients sans prise d’antibiotique sont exposés à 5% d’échec implantaire, contre 2% des patients sous antibiothérapie prophylactique préopératoire et 1% des patients sous antibiothérapie prophylactique pré et post-opératoire.

La prescription d’une antibiothérapie prophylactique avant la mise en place d’implant semble justifiée (avec un bénéfice escompté faible 5% versus 1 à 2%) avec une prise d’amoxicilline unique de 2g 1heure avant la pose d’implant