SFCO

Revue de littérature - Août 2014

Philippe Lesclous

 

Jaw bone marrow-derived osteoclast precursors internalize more bisphosphonate than the long-bone marrow precursors.

Vermeer J.A.F., Jansen I.D.C., Marthi M., Coxon F.P., Mc Kenna C.E., Sun S., de Vries T.J, Everts V.

Bone 2013, 57, 242-253.

Plusieurs hypothèses sont actuellement proposées pour tenter d’expliquer la physiopathogénie des ostéonécroses des maxillaires associées aux bisphosphonates (ONMBPs). L’une d’entre elles repose sur une supposée plus grande susceptibilité des ostéoclastes des maxillaires et de leurs précurseurs aux bisphosphonates (BPs) que ceux d’autres sites anatomiques. Cette faculté engendrerait alors une plus grande inhibition du turn over osseux au niveau des maxillaires, ce qui en feraient des sites anatomiques plus propices à l’émergence d’ONMBPs. Pour étudier cette hypothèse, les auteurs ont isolé à partir de prélèvements médullaires osseux chez des souris deux types de populations d’ostéoclastes, l’une mandibulaire, l’autre fémorale. Ils ont étudié l‘effet d’un amino-BP, (la famille de BPs la plus impliquée dans l’émergence des ONMBPs), le pamidronate, plus particulièrement utilisé par voie intraveineuse dans le cadre du traitement de métastases osseuses malignes sur l’ostéoclastogénèse in vitro. Ils ont aussi étudié la capacité d’internalisation de ces différentes populations ostéoclastiques d’un autre type de d’amino-BP, le risédronate, plus particulièrement prescrit par voie orale dans le cadre du traitement de l’ostéoporose.

Les résultats montrent clairement que les ostéoclastes et leurs précurseurs d’origine mandibulaire internalisent par endocytose entre 2 et 3 fois plus de risédronate que les ostéoclastes et leurs précurseurs d’origine fémorale. En revanche, le pamidronate à haute dose affecte significativement l’ostéoclastogénèse, mais de manière similaire quelque soit l’origine anatomique des ostéoclastes et de leurs précurseurs. De plus, le pamidronate à haute dose affecte de façon similaire les ostéoclastes fémoraux et les ostéoclastes mandibulaires et que l’effet inhibiteur est plus prononcé sur leur activité que sur les ostéoclastes eux-mêmes.

Pour la première fois, cette étude souligne une différence de comportement des ostéoclastes et de leurs précurseurs en fonction de leur origine anatomique en présence de risédronate. Leur plus grande capacité à internaliser ce BP couplée au taux de remodelage osseux plus important au niveau des maxillaires va induire une plus forte concentration in situ de risédronate, ce qui pourrait constituer un facteur de risque majeur dans l’éthiopathogénie des ONMBPs. Il est à noter que d’autres cellules osseuses ont une forte capacité d’internalisation des BPs par endocytose, les macrophages et que leur rôle dans l’étiopathogénie des ONMBPs n’est sans doute pas négligeable.

Au total, cette étude met en évidence une spécificité comportementale in vitro, en l’occurrence une plus grande faculté d’ingestion, des ostéoclastes des maxillaires d’un amino-BP, le risédronate, ce qui pourrait jouer un rôle majeur dans l’éthiopathogénie des ONMBPs. Un hic cependant, d’après toutes les études épidémiologiques concernant la prévalence des ONMBPs, le risédronate est l’une des molécules les moins associées.

 

Mucosal lichen planus : an evidence-based treatment update.

Davari P., Hsiao H., Fazel N.

Am J Clin Dermatol 2014, DOI 10.1007/s40257-014-0068-6

Le lichen plan buccal (LPB) est une maladie chronique qui bien souvent pose des problèmes thérapeutiques. De multiples approches sont proposées dans le but de soulager le patient et d’induire une amélioration clinique de sorte qu’il est difficile pour le praticien de s’y retrouver. L’objectif de cette revue de la littérature est donc de faire le point sur ce sujet en se basant uniquement sur l’evidence based medicine. Ainsi, 13 revues systématiques de la littérature (dont une revue Cochrane) et 66 essais cliniques randomisés, contrôlés ont été analysés. Il en ressort trois différents types de traitements, ceux ayant une efficacité clinique démontrée, ceux nécessitant plus de preuves cliniques (généralement à cause de la faible taille des populations traitées ou par manque de traitement comparateur) et ceux n’ayant aucune efficacité clinique prouvée ou une efficacité moindre qu’un traitement comparateur.

Parmi les traitements ayant une efficacité clinque démontrée, les corticoïdes se taillent la part du lion. Il ressort de la riche littérature qui leur est dévolue que les corticoïdes en usage topique doivent être considérés comme la thérapeutique de première intention du LPB. Parmi ceux-ci, la bétaméthasone en aérosol, le clobétasol 17 en pastille adhésive et le fluocinomide 0.025% en gel ont montré un bénéfice thérapeutique significatif. La corticothérapie systémique peut être préférée dans les phases aiguës du LPB sur une durée courte. La triamcinolone en injection locale sous-lésionnelle peut être envisagée pour suppléer un traitement systémique. Dans la classe des inhibiteurs de la calcineurine, le tacrolimus 0.1% topique montre une efficacité clinique au moins équivalente et bien souvent supérieure à celle des corticoïdes locaux. Seule la faible taille des groupes traités le fait actuellement réserver au traitement de seconde intention du LPB. Dans la famille des rétinoïdes, la trétinoïne à 0.1% en traitement topique possède aussi une efficacité clinique démontrée mais en induisant plus d’effets indésirables locaux. La photothérapie psoralène plus ultraviolet A dite PUVA thérapie est aussi un traitement efficace mais le risque de carcinome à cellules squameuses la fait réserver au traitement des cas de LPB érosifs réfractaires.

Parmi les traitements nécessitant plus de preuve clinique, le pimecrolimus 1% (un autre inhibiteur de la calcineurine) semble montrer une bonne efficacité clinique sur les lésions érosives du LPB. La mésalazine 5%, l’amlexanox, l’aloé véra en gel, la chloroquine, l’hydroxychloroquine, la griséofulvine, le purslane en traitement systémique, l’injection sous-lésionnelle d’une fraction polysaccharidique d’acide nucléique de bacille de Calmette-Guérin (dérivé du bacille tuberculeux bovin), l’usage de bains de bouche de zinc à 0.2%, la laserthérapie low level, la thérapie à base d’ondes électromagnétiques millimétriques de haute fréquence nécessitent beaucoup plus d’argumentation.

Parmi les traitements sans aucune efficacité clinique démontrée, on peut noter la vitamine A et l’acide hyaluronique. La cyclosporine A en application topique est moins efficace que les corticoïdes locaux.

Au total, d’après cette remarquable revue systématique de la littérature, les corticoïdes locaux ou systémiques doivent être considérés encore et toujours comme les thérapeutiques de première intention du LPB. Le tacrolimus à 0.1% topique doit être considéré actuellement comme l’alternative de choix en cas d’échec de la corticothérapie. La trétinoïne à 0.1% topique ou la PUVA thérapie peuvent parfois constituer une autre alternative.